Page:Jaloux - Le reste est silence, 1910.djvu/151

Cette page a été validée par deux contributeurs.
141
LE RESTE EST SILENCE…

cieuse, immobile ; il me semble qu’elle a toujours existé et qu’elle existera toujours et que c’est la couleur même de ma vie, cette nuance indiscernable, opaque, terne, unie… Je suis seul et j’écris devant le feu. Je peux refermer ma croisée…

Et, de nouveau, le torrent des images se glisse sous mes yeux à demi fermés ; elles sont promptes et presque joyeuses ; elles sont pareilles à cette chanson plus vive, qui, dans les marches funèbres, interrompt les dures et navrantes harmonies, martelées et plaintives. Et je revois la salle à manger, si grande, ce soir-là, si sonore, où papa maintenant va et vient à grands pas.

Soudain, il se dirige vers l’antichambre et reparaît avec son chapeau à la main, pris d’une décision subite :

— Je sors.

— Où vas-tu ?

— Je vais chez tante Irma.

Alors tout ce que maman m’a dit d’elle revient à moi, je me redresse comme un ressort, je m’écrie :

— Chez tante Irma ? Non, il ne faut pas