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LE RESTE EST SILENCE…

jusqu’au bord même d’un abîme et qu’il le trouvât tout à coup à ses pieds. Je répétai sur un ton éclatant, avec un air de revanche :

— Oui, elle est partie !

— Pour où ? balbutia-t-il.

— Je ne sais pas, déclarai-je.

— Mais… pour longtemps ?…

— Elle ne me l’a pas dit.

— Voyons, qu’est-ce qu’elle t’a dit ? fit-il, impatienté.

Je défilai mon chapelet, tout d’une traite :

— Elle m’a dit qu’elle s’en allait parce qu’elle était trop malheureuse ici, parce que tante Irma la déteste et qu’elle a réussi à te la faire prendre en grippe ; voilà ce qu’elle a dit, et qu’elle n’oublierait jamais ta cruauté et que tu l’as traitée comme une misérable et que tu n’as pas de cœur.

— Tais-toi, dit mon père.

Mais pour me parler ainsi, il n’employa pas cet accent rude et bourru dont il se servait quelquefois : non, il murmura ces mots d’une voix basse et navrée, et avec un air de supplication. Il s’était moins assis qu’ef-