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LE RESTE EST SILENCE…

l’anéantissement final où j’entraînerai avec moi-même dans le sol tenace et gluant ce qui flotte encore dans mon âme de passé indécis et toujours cher… Ah ! Dieu ! vus de si loin, distingue-t-on des coupables, reconnaît-on des erreurs et des fautes ? Non, non, il n’y a plus que des malheureux, des innocents déchirés par la nécessité, ou jetés de côté et d’autre comme des épaves, inconsistants, irresponsables, pauvres loques de chair aveugle et douloureuse, qui sont dans la vie cruelle et puissante ce que sont les feuilles mortes dans une rafale et les branches d’arbre dans un torrent !

Oh ! dites, n’est-ce pas ainsi que Dieu doit voir la terre et les faibles humains, qui s’agitent, aiment, s’efforcent, sanglotent et souffrent, le temps d’un éclair, avant de se coucher tout du long contre l’argile vorace, quand sonnent sur le chemin, dans une lumière sulfureuse, les grands chevaux pâles de la Mort ?

Non, je ne sais trop ce que nous nous