se mêlaient, s’irritaient l’une l’autre, se harcelaient de questions, de réponses. Je comprenais de loin en loin le sens général d’une phrase.
Un moment, ma mère eut une exclamation furieuse :
— Ce n’est pas vrai, ce n’est pas vrai…
L’autre la dominait :
— C’est toi qui mens…
Encore des sanglots, le fracas d’un objet jeté contre un mur et qui se brise avec un bruit de porcelaine, puis une sorte de hurlement prolongé, aigu, déchirant, plus irrité et rageur que douloureux…
— Mais tais-toi donc, tais-toi donc, clamait mon père.
Et soudain, la voix de ma mère grossit comme un torrent à la fonte des neiges. Elle s’enfla, devint énorme, étouffa dans son cours furibond les paroles de son mari. Elle allait au galop, entassant des reproches. Le nom d’Irma revenait à tout instant. Je distinguai un bout de phrase : « C’est elle qui est cause de tout. Quelle vie ai-je ici ? » Je n’entendis plus rien que le roulement