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LE RESTE EST SILENCE…

dant comme le comble de la distinction.

— Rien, répliqua-t-il, d’une voix si nette, avec une intonation si cassante qu’elle ferma le débat.

L’air chaud entrait par la fenêtre ouverte, avec les bruits de la rue, le petit murmure gai du ruisseau. Un volet, rabattu par le vent contre le mur, fit un choc sourd. Nous sursautâmes tous.

Je me souviens qu’Élise venait de nous servir un plat de viande, entouré de carottes, dont l’odeur seule eût donné faim. Maman mangeait lentement, et surveillait, du coin de l’œil, la physionomie soucieuse et renfrognée de son mari. Il coupait son morceau de bœuf avec minutie ; il piqua quelques carottes du bout de sa fourchette et les avala en faisant un effort. Puis il repoussa son assiette pleine loin de lui.

— Tu ne manges pas ? reprit ma mère.

— Non.

— Ce n’est pas bon ?

— Je n’en sais rien.

— Tu n’as pas faim ?

— Non.