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LE RESTE EST SILENCE…

Mais, cette fois-ci, on s’entendait plus mal encore que de coutume. Mon père avait décrété que nous irions demeurer, avec les Trémelat, dans un petit village de Savoie. Nous avions accueilli ce plan avec une explosion indignée, et maman avait déclaré aussitôt que jamais elle ne partirait dans ces conditions-là. Mais mon père l’avait regardée, et avait dit simplement :

— Tu passeras l’été avec Irma, tu entends ? je ne veux pas que tu restes ici, et je n’entends pas non plus que tu sois seule, avec Léon.

Et, à ma grande surprise, maman n’avait rien répliqué. Depuis, de continuelles allusions envenimaient les heures de repas. Ma mère ne manquait jamais une occasion de lancer quelque flèche désagréable à l’adresse de sa belle-sœur. Si mon père me faisait une observation sur ma manière négligée de me tenir à table, maman, d’une voix douce, tout en enroulant autour de l’index une bouclette de sa chevelure, répondait :

— Oh ! c’est inutile de vous donner tant de peine, vous verrez comment il sera, quand