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LE RESTE EST SILENCE…

de plus en plus menues, pour retarder le moment où, tout étant fini, je retomberais dans une situation si intimidante que sa perspective seule m’affolait.

Tout de même, mon quignon de pain n’était pas perpétuellement renouvelable, comme la fortune du Juif-Errant. Il vint un moment où je me trouvai les mains vides. Je restai debout au bord de l’eau, ne sachant à quel saint me vouer. Heureusement que, peu après, une importante bande d’enfants quitta le pavillon, avec deux des institutrices. Je profitai du brouhaha de ce départ pour m’esquiver à mon tour.

Je revins en toute hâte vers le banc. Maman s’y trouvait toujours avec le monsieur, mais il me parut qu’ils ne se parlaient plus beaucoup. Le jeune homme, ramassé sur lui-même, la tête basse, traçait encore des signes dans le gravier avec sa belle canne à tête d’aigle. Maman était tournée vers lui. J’avais peur qu’elle ne me grondât d’être revenu trop vite. Au lieu de cela, son visage s’épanouit à ma vue.

— Ah ! Léon, te voici ! J’allais justement