Page:Jaloux - L'Escalier d'or, paru dans Je sais tout, 1919.djvu/31

Cette page a été validée par deux contributeurs.


Mon extraordinaire voisin donnait, en effet, un bal costumé.

l’ignore. En tout cas, rien n’eût paru plus naturel, car tout le monde adorait Lucien Béchard, et comment en eût-il été autrement ? Avec son caractère imprévu, capricieux, sa gaieté naïve, ses sautes d’humeur, sa loyauté, il répandait autour de lui autant de confiance que d’agrément. Quand je le voyais au milieu de nous, actif, passionné, plein de désirs, de projets et d’inventions délicates et burlesques, je me disais avec mélancolie qu’il était beau d’avoir vingt-cinq ans et de les avoir à sa façon.

M. Jasmin-Brutelier était plus sérieux et même un peu dogmatique. Il aimait les conversations suivies et méthodiques et parlait volontiers de politique, avec une intolérance extrême. Mais nous excusions ses violences à cause de la générosité de ses théories. Il avait une de ces cultures qui sont si fréquentes de nos jours et qui donnent facilement à ceux qui en sont victimes l’illusion néfaste qu’ils savent tout. C’était un camarade d’enfance de Béchard, lequel était fils d’un petit éditeur que Bouldouyr avait beaucoup connu et qui avait fait faillite en imprimant, dans un moment d’enthousiasme, le Jardin des Cent Iris, les Essors vaincus et autres manifestations littéraires de ce genre. Pour Muzat, l’oncle Valère, comme nous l’appelions tous, l’avait