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L’ÉCOLE DES MARIAGES

tante. Elle se ralentissait avec fatigue à la fin des phrases. On aurait dit que chaque mot qu’elle prononçait était le dernier, qu’après, elle n’aurait plus la force de parler.

À côté d’elle, René Delville paraissait, à première vue, l’homme le moins capable d’avoir su plaire à une telle femme. Grand, carré des épaules, avec un torse solide, une tête brune, loyale et franche, il se montrait simple, jovial, à l’aise dans la vie, peu enclin à la mélancolie ou à la méditation, content de soi et plein de santé. Ses cheveux en brosse se hérissaient sur un front un peu bas ; il portait, non sans crânerie, des moustaches retroussées et longues, mais la courbe effacée de son menton dénotait une volonté toujours défaillante.

Les nouveaux venus échangeaient avec leurs hôtes des remarques sans imprévu.

— Tu ne pouvais pas arriver plus tôt, escroc ? disait à Delville, Roger Malval, qui se plaisait tout particulièrement à injurier ses amis et à employer un langage imagé. Je me faisais vieux, dans ma bauge, à guetter ta gueule canine.

— Que veux-tu, mon cher ! Les tramways étaient pleins. J’ai eu de la chance, cependant. Dans la voiture où je suis monté, à Castellane, j’ai rencontré Mlle Diamanty que je ne m’attendais certes pas à y trouver…

Isaure et Roger échangèrent un regard de malice triomphante qu’Edmée surprit et qui l’empourpra. Mlle de Norfalk, longue, sèche, aristocratique et couperosée, demandait à Mme Féline des nouvelles de ses enfants ; elle s’occupait de toutes les petites filles qu’elle connaissait, même sans espoir de les