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EDMOND JALOUX

doute dans quelque cave. On entendit des chuchotements et des rires. Edmée Diamanty entra dans le salon, précédant Mlle de Norfalk, son institutrice, et René Delville.

Elle était grande, svelte, élancée. Il y avait dans toute sa physionomie quelque chose d’alangui, de souffrant et de délicieux. Elle était de ces femmes à l’air pliant et fragile qu’aucun passant ne rencontre sans souhaiter une occasion de les défendre ou de les protéger. Son cou frêle et long supportait une figure pâle, un peu maigre, très fine, aux traits comme estompés. Autour de son front et de ses tempes translucides, sa chevelure d’or cendré bouffait avec une coquetterie négligente, qui donnait à penser qu’on avait surpris Edmée avant qu’elle eût achevé sa coiffure. Ses paupières longues dévoilaient des prunelles grises d’une grande douceur où il régnait de la tristesse et une sorte de reproche continuel et latent. Un cerne les entourait, qui n’était point brun, mais bleui et d’un ton de meurtrissure extrêmement délicat.

On ne pouvait aimer Mlle Diamanty qu’avec une nuance de pitié bizarrement mêlée à la passion, et on ne s’éprenait pas d’elle sans risques. Certains regards de femme s’absorbent comme des poisons ; on ne s’en guérit jamais entièrement. Edmée, toute mince, toute nerveuse, et d’un charme à troubler les plus virils des hommes comme les plus efféminés, donnait brutalement la sensation de l’instabilité humaine. On la devinait si sensible et si peu faite pour les luttes et le tohu-bohu de l’existence quotidienne !

— Bonjour, vous. Comment allez-vous ?

Sa voix était lasse, câline, brisée, un peu chan-