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EDMOND JALOUX

de ça ! En voilà des simagrées ! C’est tout naturel. Et d’ailleurs, rien ne prouve que mon intervention réussisse. Je tâcherai de savoir le fin mot de l’affaire, voilà tout. Mais s’il y a réellement, comme l’assure M. Diamanty, la moindre espèce de danger pour Edmée, promettez-moi de renoncer, sans arrière-pensée, à votre projet.

— Hélas ! madame, il le faudra bien !

René se levait.

— Vous ne m’avez pas demandé des nouvelles de ma fille, dit Mme Guitton en riant.

— C’est vrai, répondit naïvement René, comment va Fanny ?

— Très bien, merci… Allons, je vous excuse.

— Que voulez-vous ? Je n’ai pas la tête sur le cou. Mais grâce à vous, je m’en vais un peu consolé.

Il remercia de nouveau sa vieille amie et sortit. Le vent secouait les petits arbres du cours Devilliers où habitait Mme Guitton. Un glas tombait des clochers de l’église des Réformés, dont les tiges ajourées, comme rongées par le sel, dressaient vers le ciel anémié leur enchevêtrement délicat et hardi.

Delville descendit à pied pour marcher un peu. La rumeur de la foule accentuait son impression de solitude morale et de désarroi ; il eut un élancement douloureux au cœur en songeant que peut-être il n’épouserait pas Edmée. Il se sentit si désorienté qu’il éprouva le besoin d’aller confier sa peine de nouveau ; pour cet office, son ami Georges Sunhary lui parut tout indiqué. René avait, comme tous les faibles, le désir constant de se raconter, de se commenter, de se plaindre, de trouver en dehors de lui la force et le soutien qui lui manquaient.