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EDMOND JALOUX

que le premier charlatan venu vous isole ainsi, vous ordonne de ne pas avoir d’enfants, de ne pas vivre… Je comprendrais encore qu’il dise : « Le mariage peut être dangereux, c’est une chance à courir… » Mais on n’affirme pas ainsi à première vue : « Le mariage la tuera ! »

— Il suffit déjà que le mariage soit dangereux, René, pour que M. Diamanty ne veuille pas courir une chance pareille… D’ailleurs, il y a eu beaucoup de phtisiques dans la famille d’Edmée. Ne le saviez-vous pas ? Presque tous les Thomeret sont morts de la poitrine. Il y a donc un danger réel pour Edmée dans le fait seulement qu’elle existe. Pensez donc, si elle avait un enfant !

— Mais alors, répliqua Delville, avec un entêtement stupide, pourquoi s’est-il marié, lui, M. Diamanty ? Il le savait bien aussi que sa femme appartenait à une famille de poitrinaires ! S’il ne l’avait pas épousée, tout ça ne serait pas arrivé.

— Cela, mon cher, vous le lui demanderez vous-même, répondit Mme Guitton, un peu vexée de l’obstination du jeune homme.

S’apercevant tout à coup que les candélabres lourds et massifs qui escortaient, sur la cheminée, une pendule de cuivre, carrant un bloc énorme que surmontait un énorme Bélisaire, mélodramatique et désespéré, n’obéissaient plus aux lois rigoureuses de la symétrie, elle se leva pour remettre à leur place les deux révoltés. Puis son regard vif parcourut le salon où il cherchait d’autres négligences semblables.

Cette pièce, assez cossue au premier abord, témoignait des goûts d’ordre inflexible et d’économie