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EDMOND JALOUX

faible de caractère et sur qui Mme Guitton avait pris un grand ascendant, suivait ses conseils dus, selon lui, à l’intérêt que lui portait la meilleure amie de sa mère. Sentimental, il se plaisait à ce roman qui flattait, en même temps que ses préférences tendrement amoureuses, son indécision et sa nonchalance un peu égoïstes, toujours préoccupées de remettre au lendemain les décisions graves et les soucis sérieux, dans la crainte lâche des tourments qui en pourraient résulter et dont il s’exagérait les conséquences.

Le refus de M. Diamanty était donc une véritable catastrophe pour René. Et il commentait longuement à Mme Guitton sa douleur et sa surprise. Toute vitalité s’éteignait en lui, il ne dormait et ne mangeait plus ; une telle existence devenait impossible ; il lui préférait la mort. Hagard et agité, il exagérait imperceptiblement l’expression de sa souffrance, et, en bon Méridional, ne distinguait plus ce que cette désolation, qui était réelle, avait de sincère et de profond et ce qu’il y ajoutait de factice et, pour ainsi dire, de convenu.

Mme Guitton écoutait toujours avec la même attention patiente et réfléchie ; son masque de chair brune, couperosée et rougie aux pommettes, avait arboré des plis soucieux et douloureux, un peu trop accusés, et trop parfaits peut-être, pour répondre absolument à sa pensée.

— Eh bien, madame, interrogea enfin Delville, qu’en dites-vous ?

Mme Guitton fit un geste résigné en écartant de sa forte poitrine des mains courtes et papelardes.

— Eh bien, mon pauvre ami, que voulez-vous que