comme s’il avait peur que le temps ne lui dérobât l’occasion de le dévoiler. Elle reconnut dans les sentiments de son camarade d’enfance ceux qu’elle éprouvait, elle s’abandonna à cette tendresse qui montait en elle et l’envahissait comme la fleur s’abandonne au pollen qui passe et la terre à la pluie. Leur délicate et furtive passion se para d’une grâce d’idylle. Mme Guitton en fut la première informée. Dans un but mystérieux, elle dissuada René de demander de suite la main d’Edmée à M. Diamanty comme il en avait eu d’abord l’intention ; elle lui conseilla de jouir longuement de ces sortes de fiançailles, se promettant, quant à elle, de faciliter leurs entrevues.
Mme Guitton prétexta pour autoriser ces conseils que René n’avait pas encore l’âge de fonder une famille (il venait alors d’entrer dans sa vingt-deuxième année), elle ajouta qu’il devrait attendre, afin d’être plus sûr de ses sentiments ; que l’on prend maintes fois, quand on est aussi jeune, un caprice pour une passion, et qu’au surplus M. Diamanty n’accorderait point sa fille à un homme aussi dépourvu de toute expérience de la vie !
Là-dessus, Mme Guitton agit exactement comme si son but était de détourner Edmée de l’attention de son amoureux ; elle travailla sourdement à les irriter l’un contre l’autre et ne fit rien pour les réunir ; René ne vit point ce manège, dont le seul résultat fut quelques querelles sans gravité entre les deux jeunes gens. Comme il rencontrait souvent Edmée chez les Malval, Delville ne chercha pas à la retrouver ailleurs.
Cette situation trouble dura deux ans. René, très