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L’ÉCOLE DES MARIAGES

partie ! Que l’on ne me dise pas que l’apathie la plus absolue puisse nous faire échapper à la loi commune ! J’ai ma part de responsabilité, moi aussi, dans la mort d’Edmée ! Les uns l’ont par leurs actes volontaires ou inconscients, les autres par leurs bavardages, leurs potins, la légende malveillante qu’ils créèrent autour de Mlle Diamanty, moi je l’ai par mon refus d’agir et par mon silence. Introduit par le hasard dans une action qui se tramait et dont seul au monde j’ai compris le sens et les conséquences, j’eusse pu l’empêcher. Si j’avais averti à temps M. Diamanty, peut-être ne serait-il rien arrivé ... Ma curiosité, ma vanité de prophète, mon indolence, ma peur de me mettre au milieu m’ont empêché de le faire et m’ont jeté en pleine responsabilité. Moi aussi, je suis un tiers. Dans cette réunion innocemment coupable, j’ai ma place. Rien ne se règle que par les tiers. Les relations des êtres entre eux sont complexes et si singulières que les intéressés partagent en toute chose leur destin avec ceux qui en sont désintéressés, et que ceux qui n’ont rien à voir dans un événement y ont autant de part que ceux pour qui c’est une question de vie ou de mort ! Et d’ailleurs, les hommes que j’appelle des responsables, en quoi sont-ils responsables de cette responsabilité ? Ils obéissent à des causes qu’ils ignorent et qu’ils subissent, à des lois qui leur sont inconnues et dont ils sont les jouets dociles. Puisque tout les détermine, à leur tour, ils déterminent autrui. Tout cela est l’amusement d’une divinité ironique, ou, peut-être, le jeu de l’inconscient.

Maintenant Me Garoutte, M. Chevalier-Joly entouraient Mme Guitton et la félicitaient ; René causait avec Fanny, tous les autres parents s’inclinaient avec