— Je tenais à vous voir, monsieur, pour vous prier de cesser tout… ce roman. Je ne veux pas vous reprocher votre conduite. On n’a pas à votre âge l’expérience du mien… Et je crois, d’ailleurs, soit dit sans vous offenser, que votre génération n’a pas les mêmes scrupules que la mienne. Je n’insisterai donc pas sur votre conduite… Il fut un temps où courtiser une jeune fille sans savoir si les parents voulaient de vous, semblait une chose peu digne… Il paraît que l’on juge autrement aujourd’hui… Enfin, passons. Il me reste à vous dire que cet… enfantillage a trop duré.
René, désorienté et penaud, regardait fixement ce petit vieillard, qui lui faisait l’effet d’un redoutable justicier, avec sa barbe blanche et ses yeux inquisiteurs. Il rassembla avec peine toute son audace pour hasarder une protestation en même temps timide, hargneuse et blessée.
— Mais, monsieur, j’ai l’intention d’épouser Mlle Edmée… Et je ne crois pas que ce soit là un enfantillage… ou une chose peu digne…
Ces deux mots lui étaient restés sur le cœur. Sa réponse soulagea sa susceptibilité. Mais il espérait, comme dans ses optimistes hypothèses, voir, à ces mots, s’épanouir la face de M. Diamanty. Au contraire, il distingua nettement, quelque peu observateur qu’il fût, une moue de contrariété qui créa mille rides nouvelles sur la figure ivoirine qui le considérait avec défiance. Et la petite voix sèche se fit plus coupante pour jeter ces mots, avec un sifflement de faux qui s’abat et coupe :
— Monsieur, j’ai le regret de vous dire que je ne compte nullement vous donner ma fille en mariage…