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EDMOND JALOUX

et lasse. Il avait une figure d’ivoire, fine, ridée et comme ramassée sur elle-même, des yeux lents et ternes, et au menton, une longue barbe blanche, étroite et pointue. Il y avait un lorgnon au bout de son nez busqué, et il vous regardait par dessus les verres, en baissant la tête et en haussant les sourcils, avec quelque chose de méticuleux, de craintif et de méfiant.

Le visiteur remarqua que M. Diamanty tenait entre deux doigts d’une main nerveuse, très blanche, où les veines faisaient des saillies, un carré de papier qu’il reconnut après examen pour une de ses lettres à Edmée, ce qui lui donna cette gêne que l’on éprouverait à se trouver nu dans un salon, et augmenta considérablement son trouble.

— Monsieur, fit M. Diamanty, asseyez-vous donc… Je crois inutile dans le cas qui doit nous occuper de faire des phrases et… d’embrouiller, somme toute, la question… Les Anglais disent que le temps, c’est de l’argent. Ne nous égarons donc pas en discours superflus… Au surplus, ajouta-t-il, en agitant le fâcheux autographe de son interlocuteur, si vous trouvez que mon procédé envers vous peut avoir quelque chose de… d’incorrect, veuillez vous souvenir que votre conduite avec ma fille n’étant pas des plus parfaites… cela me donne toute latitude…

Cela signifiait : « J’ai barres sur vous. » René le comprit bien et se tint coi, après avoir essayé une vague protestation, par monosyllabes, avec un geste de Christ disant : « Seigneur, éloignez de moi ce calice ! »

L’impitoyable petite voix se remit à parler, sifflante et rapide comme une faux.