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EDMOND JALOUX

été le délire d’une imagination absurde… malade… C’est bizarre, tout cela, n’est-ce pas ? Et pourtant, c’est bien ce que je ressens, mais je ne sais pas trop comment l’exprimer.

Elle souriait en l’écoutant. Ces paroles lui chauffaient le cœur, répandaient dans ses membres une onde brûlante d’aise et de soulagement, pareille à celle qui vous parcourt, quand, après une promenade d’hiver, dans le vent et la pluie glacée, on s’accroupit devant un feu qui crépite et qui danse.

À ce moment, un pas rapide fit grommeler les feuilles mortes. Isaure entra dans le petit bois, les joues rouges, les cheveux ébouriffés.

— Ah ! vous voilà, les amoureux ! Mlle de Norfalk vous cherche partout, elle est furieuse contre toi, Edmée. Viens vite… Elle va te donner un abatage, ma chère !

Edmée s’émut de cette nouvelle. Elle craignait un nouveau rapport de Mlle de Norfalk auprès de son père :

— Comment nous tirer de là ? murmurait-elle.

— C’est très simple, fit Isaure, il y a ici une petite porte qui donne sur la traverse… Mlle de Norfalk ignore certainement son existence. René s’en ira par là. Nous dirons à ton institutrice que tu étais seule et que René est parti depuis longtemps.

Delville faisait la grimace ; cette façon de s’en aller par une issue dérobée lui semblait profondément ridicule, mais les jeunes filles, amusées par le caractère un peu romanesque de l’aventure, le poussèrent dans les lauriers d’un buisson, il pataugea dans une flaque d’eau, moitié furieux, moitié riant. Du fond du fourré, sa voix revint :