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EDMOND JALOUX

Et soudain, vaincue par le trouble mystérieux de l’heure, par une angoisse vague, par un long énervement, Edmée se laissa aller à pleurer. Des sanglots secouèrent sa poitrine étroite, des larmes vinrent à ses paupières meurtries. René la saisit dans ses bras, et il la sentit alors contre lui si défaillante, si abandonnée, qu’un peu d’orgueil et de force lui vint et qu’il jouit presque de l’accablement et de la tristesse de son aimée. Il baisa ses yeux, il but ses larmes ; et il répétait, d’une voix affectueuse, ces paroles inconsciemment masculines :

— Ma petite Edmée ! Ma petite Edmée ! Ne pleurez donc pas ! Vous me faites tant de peine.

Elle parut se remettre un peu. Elle tamponna ses cils.

— De quoi avez-vous peur ? continuait-il. Si votre père sait quelque chose… eh bien, nous nous marierons plus tôt. Votre père ne peut pas avoir de motif pour s’opposer à notre mariage, n’est-ce pas ? Tout s’arrangera. Ne vous inquiétez pas ainsi !

— C’est vrai, René, vous avec raison… Mais je ne sais pas pourquoi j’ai pleuré… C’est le soir, c’est l’aspect de ces arbres qui m’ont émue… Ce bosquet a quelque chose de lugubre. Et puis, nous avions l’air si isolés, si loin de tout ! Et comme c’est ennuyeux d’être toujours obligés de nous cacher…

— Oh ! Edmée, cela durera bien peu ! Nous serons vite mariés. Et alors, quelle fête ! Pensez donc, Edmée ! Nous serons toujours ensemble… Oh ! je vous embêterai ferme ! Vous verrez quel crampon je suis… Nous ne nous quitterons pas cinq minutes par jour ! Nous serons si heureux !

Son âme sentimentale et un peu lâche s’épanchait