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L’ÉCOLE DES MARIAGES

qui avait été belle et qui restait jolie, avec des yeux frais d’enfant, un visage rose et grassouillet, des cheveux d’un blond fauve. Elle s’appelait Mme Gimpel ; on lui aurait donné quarante ans ; elle en avait soixante.

Ses amies racontaient qu’elle avait beaucoup souffert de son union avec un avocat noceur, brutal et vulgaire, qui ne lui avait apporté que froissements et déceptions. Et les mauvaises langues ajoutaient même que depuis longtemps Mme Gimpel était la maîtresse d’un ami de son mari, M. Stagay, courtier peu fortuné qui habitait dans la même maison qu’elle. La bonne société défendait naturellement, contre ce qu’on appelait « ces odieuses calomnies », Mme Gimpel qui appartenait à toutes les œuvres de charité. Et on voyait dans les meilleurs salons l’élégance distinguée et sobre de cette menue personne aux sourires bienveillants et ces clairs yeux bleus, qui se levaient sur vous avec franchise, et qui semblaient trop transparents, trop purs et trop limpides pour que rien de trouble et. d’équivoque y passât jamais…

René salua les deux dames. Roger sifflotait, les mains enfouies dans les poches de son pantalon gris-marengo, qui tombait sur ses bottines jaunes, avec l’inflexibilité d’un fil à plomb.

— Vous êtes venu seul, René ? demanda Mme Malval.

Une rougeur fugitive passa sous le teint brun de Delville, qui lui communiquait une sorte de hâle constant et ineffaçable.

— Non, madame, j’ai rencontré Mlle Diamanty, en tramway…