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EDMOND JALOUX

et se plaignait de sa malchance. Il avait encore perdu de l’argent, la veille. Habitué à ses plaintes, René lui donna une centaine de francs. Ils contournaient la serre, qui se prolongeait derrière la villa, et où se tenait le plus souvent un frère malade de Roger, quand deux dames, sortant d’une allée courbe, surgirent entre les buissons.

Malval dissimula par une grimace la crainte que sa mère eût vu le geste généreux de Delville. Mais {{Mme|Malval} ne s’était aperçue de rien. Grande, brune, elle paraissait encore jeune, et elle conservait les restes d’une beauté opulente. Dans un visage flétri, au nez bourbonien, aux lèvres charnues, ses yeux pétillaient d’entrain et de malice ; affable, très mondaine, elle faisait avec aisance les honneurs d’une maison que la position financière de son mari et ses goûts personnels de société, de bavardage et d’intrigue rendaient hospitalière.

On lui passait, à cause de son amabilité, cette manie d’inquisition, qui la poussait à questionner sans cesse tous ceux qu’elle recevait et à quêter partout les plus insignifiants détails et les plus vagues renseignements. Il n’y avait rien qu’elle n’eût été capable d’accomplir pour satisfaire son inlassable curiosité. On l’aimait peu, mais on la craignait beaucoup. Elle avait dans le monde une influence indéniable, et c’était une des meilleures gazettes de la ville, aussi riche en informations généalogiques qu’en chroniques scandaleuses ; elle se vantait de connaître, à quelques centaines de francs près, la situation budgétaire de tous ses concitoyens de marque.

Sa compagne était une femme mignonne et fluette,