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L’ÉCOLE DES MARIAGES

elle me l’a rendu en me disant : « Tiens, les voilà, maman, tes boules de gomme… » Vous comprenez ça ? Elle a préféré me les rendre plutôt que d’obéir, elle…

— Nous avons tous très bien compris, dit Roger, n’explique rien. Tu vas gâter ton anecdote, qui est charmante, d’ailleurs, je le reconnais, tout oncle que je sois.

— Comment ? Que veux-tu dire ?

— Rien, ange pur. C’est trop compliqué pour toi.

— Quel âge a-t-elle, Yvonne ? demanda Mlle de Norfalk.

— Elle va avoir cinq ans. Il n’y a plus d’enfants aujourd’hui…

— Non, fit Roger, et il n’y a plus de parents, non plus. Il n’y a plus rien. Viens-tu, sale veau ? ajouta-t-il en se tournant vers René.

Ils descendirent les trois marches du perron.

Sur le Prado, la poussière dansait avec le soleil, dans le cadre d’or rose des platanes puissants contre qui guerroyait le vent d’automne. Des rafales de feuilles tourbillonnaient dans l’air et se poursuivaient au ras du sol.

Une cloche de couvent laissait tomber ses sons, dans les intervalles de silence, comme si l’automne la touchait aussi et que ce fût de ses feuillages de métal que la nouvelle saison la dépouillât.

Malval prit son ami par le bras et l’entraîna le long de la maison. Avec des injures amicales, il le sommait de lui prêter quelques louis. Joueur et noceur, toujours endetté, il puisait sans cesse dans la poche de Delville, qui, très riche, l’aidait volontiers. Roger, pour la centième fois, accusait le destin