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aux locutions encore en usage, pour ce qui est du français, nous nous sommes appliqué à donner tous ceux qui ont une réelle importance. Nous avons enregistré les noms des pièces principales du Corps et du Gréement d'un navire, et les locutions les plus communément employées par nos marins. Nous avons mis en regard des mots français les termes qui leur correspondent dans les langues étrangères; mais nous ne l'avons pas toujours pu, ou parce que le temps nous a manqué, ou parce que certains éléments de ce travail comparatif ne pouvaient être récoltés que dans des ports ou sur des navires où nous n'avons pas eu accès.

Les nomenclatures étrangères laissent donc à désirer plus d'un terme; mais, en général, c'est sur des choses secondaires que portent ces lacunes, que nous regrettons cependant beaucoup. On le voit, en tant que glossaire – et c'est à ce point de vue surtout que l'ouvrage devait être fait – le répertoire des termes de marine que nous offrons aux marins et aux érudits répondra assez bien peut-être au besoin pour lequel il a été conçu; c'est-à-dire qu'avec son secours on pourra désormais comprendre ce qui, dans les histoires anciennes, les chroniques et les titres du Moyen-âge, se rapporte aux voyages sur mer, au commerce maritime et à la guerre des vaisseaux.

Le Glossaire nautique serait uniquement destiné à rendre ce service à la science, qu'encore pourrait-on le regarder comme un livre utile. Mais son utilité sera plus grande, nous l'espérons : sur une foule de points qui touchent à l'histoire de l'art et à celle de la langue, on y trouvera des solutions curieuses et nouvelles.

Si nous insistons sur ce qui regarde la langue des marins, c'est que là est, selon nous, un intérêt très grand et très peu compris.

La langue des hommes qui pratiquent un métier comme celui de la mer est l'expression historique du progrès et des conquêtes de ce métier.

Marine, ce fut d'abord, navire enfant, lutte courageuse contre des périls entrevus et des difficultés sans nombre; ensuite, navigation côtière et cabotage timide; enfin, navire grand et perfectionné, relations de voisinage et relations lointaines, c'est-à-dire, acquisitions et échanges.

De là, pour chaque peuple naviguant, un vocabulaire d'abord très-restreint, mais bientôt enrichi d'emprunts faits à toutes les nations qui agrandissent le navire, élargissent l'horizon du voyage, et imposent des noms à des agrès nouveaux, à de nouvelles manœuvres du vaisseau. De là, deux éléments dans ce vocabulaire : l'élément national et l'élément étranger.

Quand on étudie avec soin le vocabulaire d'un peuple marin, on sait bientôt tout ce qu'il doit aux autres. Chaque mot d'origine étrangère constate l'introduction sur le navire d'un objet emprunté à autrui, celle d'un perfectionnement apporté par imitation dans une méthode ou dans une manœuvre.

L'étude du vocabulaire nautique d'un peuple est donc, jusqu'à un certain point, l'étude de l'histoire de ses relations maritimes : l'étude comparative de tous les vocabulaires est donc une des faces intéressantes de l'histoire des nations qui ont un pied sur la mer.

Considérée sous cet aspect, la langue maritime ne méritait-elle pas qu'on fît de ses sources, de ses formes, de ses modifications, de son génie, l'objet de recherches attentives?

Lorsqu'à propos du langage, étrange et barbare en apparence, dont se servent entre eux les gens de mer, nous parlons de son génie, que le lecteur ne s'étonne pas trop. Oui, cette langue a son génie; et nous sommes d'autant plus autorisés à le dire, que, sur presque tous les points du globe, bien que les mots diffèrent souvent, elle a les mêmes figures, la même énergie, la