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Scène II.

GENEVIÈVE. Elle arrive effrayée, tenant un caniche entre les bras.

Oh !… les méchants !… les barbares… pauvre biche !… n’aie pas peur… Ils l’auraient tuée sans moi… chère biche, depuis trois mois qu’ils m’ont enfermée ici… voilà toute ma société… et nous nous comprenons… je lui raconte mes chagrins… elle me répond ouah ! ouah ! et nous pleurons ensemble… comme deux biches… c’est monotone… mais… c’est bien ennuyeux ! (Elle met son chien à l’écart, il disparait.)


Scène III.

GENEVIÈVE, ISOLINE.
GENEVIÈVE.

Ô mon Dieu !… qui donc viendra m’arracher d’ici ?

ISOLINE.

Moi ! (Un côté de rocher s’ouvre à gauche de l’acteur et laisse passer la tête d’Isoline.)

GENEVIÈVE.

Qui, toi ?

ISOLINE.

Une femme qui n’a pas cessé un seul instant de veiller sur ton sort.

GENEVIÈVE.

Mais je ne te connais pas.

ISOLINE.

Ne te souvient-il plus du page qui t’a chanté la romance de Reynold… du chevalier qui a pris ta défense ?

GENEVIÈVE.

C’était…

ISOLINE.

Moi-même ! Et aujourd’hui que j’ai retrouvé ta trace… Je viens te dire : Courage… plus de chagrins…

GENEVIÈVE.

Mais qui es-tu ?

ISOLINE.

Qui je suis ?… regarde-moi.

GENEVIÈVE.

Tu es jolie !…

ISOLINE.

Je suis… la femme légitime de l’infâme Golo.

GENEVIÈVE.

Sa femme…

ISOLINE.

Isoline de Hainaut. — Écoute. Il y avait une fois à la cour du roi ton père une jeune fille pure, innocente, vertueuse ; c’était moi.

GENEVIÈVE.

Toi ?

ISOLINE.

Ça t’étonne ?…

GENEVIÈVE.

Non… continue.

ISOLINE.

Je passais toutes mes journées à chanter, à travailler, à arroser mes fleurs, sur le bord de ma fenêtre ! Un matin, en face de ma mansarde, j’aperçus la tête d’un jeune homme blond. J’étais en train de planter des cobaeas, le jeune homme blond se mit à planter des tulipes, et depuis ce moment je le rencontrai par tout…. Enfin… que te dirais-je ?… de cobaeas en tulipes de tulipes en gobéas !… c’est moi qui le fut Gobée ! ah !… jour fatal ! Il m’offrit sa main et j’acceptai… Il me semblait pourtant qu’il me cachait son véritable nom… sa position sociale… et un jour, en farfouillant dans sa malle, j’y trouvai, un casque à plumes, un manteau d’hermine et un gilet de flanelle. Plus de doute, c’était un gentilhomme !… je compris que j’étais perdue !… le lendemain il avait disparu !…Cet homme ! c’était Golo l’infâme !… je voulus faire valoir mes droits sacrés d’épouse à la cour de Sifroid, mon mariage était nul… alors j’écrivis les lettres les plus tendres, pas de réponses ! le monstre ! Cependant, d’après, le conseil d’une de mes amies intimes, j’écrivis une dernière lettre à Golo, en lui avouant que j’étais mère.

GENEVIÈVE.

Toi !

ISOLINE.

Moi ! ça mordit. Poste pour poste, je reçus une lettre dans laquelle il m’enjoignait de venir le rejoindre moi et son fils bien aimé. Il voulait assurer notre bonheur : Mon embarras fut cruel ! pour être mère, il ne me manquait qu’un enfant !

GENEVIÈVE.

Comment fis-tu ?

ISOLINE.

Ma foi ! j’en louai un !

GENEVIÈVE.

Ah bah !

ISOLINE.

Oui, ça se fait ! et nous vînmes nous précipiter dans ses bras !… Mais une fois en sa puissance, le traître !… il nous fit jeter dans cette caverne voisine, et depuis dix-huit mois, le gueux, oubliant les devoirs sacrés d’un père, éternise son infamie en nous tenant prisonniers : Tu vas voir si cet homme a des entrailles ! (Elle appelle au fond). Arthur ! ici, Arthur !


Scène IV.

Les Mêmes, ARTHUR. Arthur arrive par le même passage qu’Isoline.
ISOLINE.

Tiens, le voilà cet enfant chéri… et j’avais poussé la délicatesse jusqu’à chercher un enfant qui lui ressemblât ! n’est-ce pas que c’est tout son portrait !

GENEVIÈVE.

Mais comme il est grand !