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d’armes, mes deux pièces de vingt, le corps des savants et mon poëte, nous sommes prêts.

CHARLES MARTEL.

C’est bien !… en route.

SIFROID.

Une minute !… Golo ?

GOLO.

Seigneur !…

SIFROID.

Voici les insignes de ma force… l’antique toque… mon manteau et la clef de mon armoire à glace.

GOLO, à part.

Ô mon Dieu !… Ô mon rêve !…

SIFROID.

En attendant mon retour, tu commanderas ici.

GOLO.

Oui, seigneur, je ferai ramoner les cheminées.

SIFROID.

Si on vient pour toucher le billet, tu trouveras les 25 francs dans l’armoire.

CHARLES MARTEL.

Allons ! est-ce que ce n’est pas bientôt fini ?

SIFROID.

Pardon ! mon colonel ! Héros colossal !… Encore deux secondes… rien que deux ! quelques ordres à donner, quelque chose à faire.

CHARLES MARTEL.

Qu’est-ce donc ?

SIFROID.

Oh ! une bagatelle, rends-moi la clef… le temps seulement de répudier ma femme, que j’ai fait prévenir ! (Entre un Page annonçant Geneviève et ses Dames d’honneur.)


Scène IV.

GENEVIÈVE.
––––Ciel ! qu’ai-je appris ? que vient-on de me dire ?
––––Pour des pays lointains, des climats éloignés,
––––––Vous, et tous ces preux alignés,
––––––––Vous partez, mon doux sire.
SIFROID.
––––––––Ceux qui vous ont dit ça
––––––––Ont dit vrai, ce me semble.
––Je pars… tu pars… il part… nous partons tous ensemble.
GENEVIÈVE.
––––––Et moi… vous me plantez donc là ?
SIFROID.
––––Pour des raisons que je n’ai pas le temps
––––––De vous expliquer, chère dame,
––––––Mais attendu qu’on ne peut plus longtemps
––––Compter sur une femme
––––Qui, comme vous, madame,
––––––Éternue à tous les instants,
––––Que l’amour lui réclame ;
––En face du soleil… devant lui, devant tous,
––Ainsi que ça se fait dans toute tragédie,
––––––––Moi, Sifroid, votre époux,
––––––Toc… toc… toc… je vous répudie.

(Geneviève s’évanouit dans les bras de ses femmes ; Sifroid tombe dans ceux de Golo.)

––––––Si pourtant quelque cavalier
––––Se présentait, en brave chevalier,
––––––Pour combattre, la lance au poing,
––––––Sifroid ne reculerait point.
––––––––J’engage ici ma foi,
–––––Que Golo… se battrait là pour moi.
GOLO.
––––Mais… mais… vous en parlez bien à votre aise
––––De me faire tuer dans ce steaple-chaise.
SIFROID.
––Personne ne dit mot ! nous n’allons donc pas voir
––Qui ramasse ce gant ?…

(Il jette son gant. Coup de tam-tam.)

UN CHEVALIER NOIR, paraissant, visière baissée
––Qui ramasse ce gant ?… Moi !
TOUS.
––Qui ramasse ce gant ?… Moi ! Le chevalier noir !
ENSEMBLE MUET.
GENEVIÈVE, SIFROID.

(Ils expriment par des gestes ce qu’ils font semblant de chanter.)

. . . . . . . .
. . . . . . . .
. . . . . . . .
. . . . . . . psitt !

(Ils étendent les bras comme des cantonniers de chemin de fer. Golo, Narcisse, les Savants, Charles Martel font la même chose après.)

LE CHEVALIER NOIR.
––––Oui, devant tous, je relève ce gant,
––––––Et bravant ta vaine menace,
––––Pour te punir, ennemi plein d’audace,
––––––Je vais te percer le flanc !

(Combat réglé entre Golo et le Chevalier Noir. Le Chevalier effleure la peau de Golo et se démasque.)

GOLO, la reconnaissant.

Elle !… Ah ! grand Dieu ! quel effroi.

ISOLINE.

Tu m’as reconnu… Je me vengerai !

(Elle sort. Golo se précipite sur ses pas, il est arrêté par le Muet, qui se trouve planté devant lui.)

SIFROID.
––––––––Très-bien… c’est rigolo !…
–––––––D’une femme répudiée
––––––Tu sais ce que l’on fait, Golo ?
GOLO.
––––––Elle sera promptement expédiée,
––––––Étranglée ou jetée à l’eau.
SIFROID.
––––––Allons, partons… preux chevaliers,
––––––En avant’… arche !… grenadiers !
GENEVIÈVE.
––Au nom du ciel ! je vous adjure de m’écouter.