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RAMASSE-TA-TÊTE.

Qu’est-ce que c’est que ça ?

BOUTEFEU.

Ça, c’est une mécanique qui imite la pétarade à s’en lécher les doigts. (Il tourne la mécanique qui fait un bruit d’enfer.)

CROQUEFER.

C’est ça, pour que le propriétaire nous donne congé ou nous augmente ; c’est à se casser la tête contre le mur.

RAMASSE-TA-TÊTE.

Mais qu’est donc devenu Fier-à-Bras ?

CROQUEFEU.

Mort ! pst. (Il fait un geste. Boutefeu l’imite.)

RAMASSE-TA-TÊTE.

Et le farouche Frappe-au-Cœur ?…

CROQUEFER.

Il a pris la rampe… pst. (Geste.)

RAMASSE-TA-TÊTE.

Et le terrible savoyard ?…

CROQUEFER.

Éteint son gaz… (Geste.)

RAMASSE-TA-TÊTE.

Mais les femmes, les sœurs de ces héros, morts trop jeune pour la tranquillité du genre humain et qui feront le désespoir de ceux qui voudront les imiter… que sont-elles devenues ?

CROQUEFER.

Elles se sont réfugiées dans la tour… elles nous font la pot-bouille… Hélas ! ce ne sont pas les pots qui manquent… c’est de quoi les remplir !…

RAMASSE-TA-TÊTE.

Et vous vous plaignez, mon oncle !… mais votre armée est trouvée !…

BOUTEFEU, bondissant.

Ah ! je comprends !

RAMASSE-TA-TÊTE.

Boutefeu, arme-moi toutes ces filles chevalières !…

CROQUEFER.

Mais des armes ?

RAMASSE-TA-TÊTE.

Et la batterie de cuisine !..

BOUTEFEU.

C’est admirable… j’y vais !… Ah ! il faut que je vous embrasse. (Il saute au cou de Ramasse-ta-tête et sort.)

CROQUEFER.

Tu tiens absolument à nous ensevelir sous les décombres. Allons, je le veux bien, puisqu’il n’y a pas moyen de faire autrement ; toi, Ramasse-ta-tête veille sur la fille de Mousse-à-Mort que j’ai enlevée !

RAMASSE-TA-TÊTE.

Vous avez enlevé la fille de Mousse-à-Mort ?

CROQUEFER.

Oui, sans regrets, comme Nessus enleva Déjanire, bien que je ne sois pas Centaure ! Ah ! si tu as soif, tu trouveras là, dans mon fauteuil à la Voltaire, (Il ouvre son fauteuil.) c’est ma cave, un petit vin rouge d’Argenteuil et un petit vin blanc de Suresne qui n’est pas piqué des grenouilles, et dont tu me diras des nouvelles ! (Il prend dans la coulisse une lanterne allumée et examine le fond. — Les mannequins placés en sentinelle par Boutefeu lui font peur, et il les repousse violemment du pied dans la coulisse.) Personne… je vais faire une sortie ! (Il sort par la droite.)


Scène VII.

RAMASSE-TA-TÊTE puis FLEUR-DE-SOUFRE.
RAMASSE-TA-TÊTE.

Jamais faim !.. toujours soif ! (Il tire un flacon de vin rouge.) Vin rouge ! (Il tire un flacon de vin blanc.) Vin blanc ! Pouah… (Il met le vin blanc à droite et le vin rouge à gauche. Il tire un autre flacon.) Qu’est-ce que celui-là ? (Il lit l’étiquette.) Jalap !.. ah ! pouah ! (Lisant.) « Jalap de Carcassonne, véritable poison des Borgia !.. » Quelle blague ! (Il met le flacon à côté du vin rouge.) Merci ! je sors d’en prendre ! (Tirant un quatrième flacon.) Rhum de la Jamaïque ! ventre du diable ! Voilà mon affaire. (Fleur-de-Soufre paraît à la grille.)

FLEUR-DE-SOUFRE, de derrière la grille.

Psit ! par ici, seigneur, de ce côté.

RAMASSE-TA-TÊTE, la reconnaissant

Ciel ! que vois-je !

FLEUR-DE-SOUFRE.

Ciel ! qu’ai-je vu !

RAMASSE-TA-TÊTE.

Fleur-de-Soufre !..

FLEUR-DE-SOUFRE.

Ramasse-ta-Tête !

RAMASSE-TA-TÊTE, lui ouvrant.

Toi… vous !.. elle que je retrouve !

DUO
FLEUR-DE-SOUFRE.

Comment ! c’est vous, un gentilhomme,
Que je rencontre avec des meurtriers,
Vous, si loyal, si bon, si galant homme,
Vous, un héros, la fleur des chevaliers !

RAMASSE-TA-TÊTE.

Flatteuse, (bis.) elle m’émeut c’est bête !

FLEUR-DE-SOUFRE.

Frappez-moi donc, brave Ramass’-ta-tête
Brisez-moi donc, plongez-moi dans le deuil !

RAMASSE-TA-TÊTE.

Ah ! fichtre ! elle me fait de l’œil. (bis.)

FLEUR-DE-SOUFRE.

Et c’est vous, (bis.) c’est toi qui m’avais promis
Que toujours nous serions amis.

RAMASSE-TA-TÊTE.

Tais-toi ! (bis.)

FLEUR-DE-SOUFRE.

Que toujours nous serions ami :
T’en souvient-il ?

RAMASSE-TA-TÊTE.

Tais-toi ! (bis.)

FLEUR-DE-SOUFRE.

T’en souvient-il ?

RAMASSE-TA-TÊTE.

Tais-toi ! (bis.)

FLEUR-DE-SOUFRE.

À toi mon âme :

À toi mes jours !

(bis.)

Me disais-tu toujours

Dans un élan de flamme !

RAMASSE-TA-TÊTE.

Ô basilic, ah ! qu’elle est belle !
Ah ! que d’éclairs dans ces yeux-là !
Laissez-moi, l’honneur m’appelle !
Ne me parlez pas de cela.

FLEUR-DE-SOUFRE.

À toi mon âme ! etc.

RAMASSE-TA-TÊTE.

Eh bien ! oui de mon cœur
Les élans sont toujours les mêmes.

FLEUR-DE-SOUFRE.

Oh ! bonheur !

RAMASSE-TA-TÊTE.

Mais va-t’en ! (ter.)

FLEUR-DE-SOUFRE.

Non, tu l’as dit :
Oui, tu m’aimes !
Oui, tu l’as dit :
Oui, tu m’aimes !

RAMASSE-TA-TÊTE.

Va-t’en, si je t’aimais
Faudrait aimer ton père,
Et je viens pour l’escofier,
Pour l’escofier, ma chère.

FLEUR-DE-SOUFRE.

Malheureux !
Tu veux tuer mon père !

RAMASSE-TA-TÊTE.

C’est ainsi,
Oui, j’ai juré de lui percer les flancs.

FLEUR-DE-SOUFRE.

Pitié pour lui !

RAMASSE-TA-TÊTE.

Non jamais !

FLEUR-DE-SOUFRE.

Pitié pour lui !

RAMASSE-TA-TÊTE.

Non jamais !

FLEUR-DE-SOUFRE.

Pitié ! pitié ! pitié !
Ah ! grâce ! grâce !
Pour lui ! pour moi !
Pour moi-même !
Ton cœur s’émeut ;
Il est mon bien suprême !
Fuyons ! fuyons !

RAMASSE-TA-TÊTE.

Mon oncle !

FLEUR-DE-SOUFRE.

Viens !

RAMASSE-TA-TÊTE.

L’abandonner à des périls extrêmes.

FLEUR-DE-SOUFRE.

Viens toujours.

RAMASSE-TA-TÊTE.

Mon oncle !