N’avez-vous donc plus confiance en moi ?
Non, sapristi, non ! Voilà vingt-trois ans que je t’obéis… (On entend le son d’un cor au dehors.) Qu’est-ce que c’est que ça ?
Ciel ! tirez donc le cordon ! c’est Ramasse-ta-Tête, votre neveu.
Ramasse-ta-Tête !… lui ! ici ! (Il tire le cordon.) Qu’il vienne, je suis sauvé !
Scène VI.
Me voilà !… comme mars en carême,
Chez vous je tombe et j’apparais.
Le voilà ! notre chance est extrême,
Nous sommes bien sûrs du succès.
Le voilà ! c’est un second moi-même,
Sa présence est signe de paix.
Ah ! mon neveu, mon cher Ramass’-ta-Tête,
Tu vas t’écrier comme un fou :
Bonjour, mon oncle ! ou bonne fête !
M’ouvrir tes bras et me sauter au cou !…
Je t’en dispense… arrête encore un coup !
Ici sais-tu ce qui se passe ?
Oui, je le sais.
Tu le sais ?
Il le sait !…
Nous sommes faits tous trois pour nous comprendre ;
Expliquons-nous.
Tout va bien.
Tout va mal.
Nous commençons, je vois, à nous entendre.
Oui, tout va bien.
Je t’assure que tout va mal.
Il veut se battre !
Il veut se rendre !
Pour mon repos tu fais bien de venir !
Il veut se battre !
Qu’en dites-vous ?
Parle, il faut en finir !
Allons, { | parle | } vite, |
parlez |
Il hésite !
Mon bras est un acier,
J’ai du feu dans l’artère,
Mon cœur est un brasier,
Ma cervelle un cratère.
En toute occasion,
Sans prendre de mitaines,
Je fais explosion,
J’ai du gaz dans les veines.
Bon enfant,
Bon vivant,
J’arrive triomphant !
C’est ça ! faut combattre ou mourir !
Ah ! sapristi, rends-moi donc le service
De flanquer dans un précipice
Cet écuyer désobligeant ;
Et puis, enfin, passe à l’office
Et m’apportes les clefs sur un plateau d’argent !
Y pensez-vous ?
Mais imbécile ! Si je n’y pensais pas !… Va, file, file !|mg=6em}}
Jamais !
Bravo !
Je suis gentilhomme et frrrrrançais !
Mon bras est un acier,
J’ai, etc.
Il paraît qu’on va rire !
Suis-je heureux d’être ici !
Nous allons tout occire,
Sans trêve, ni merci.
C’est un brave, un fier sire ;
Avec lui, Dieu merci,
Nous allons bientôt rire,
Le feu va prendre ici.
Contre moi tout conspire.
C’est affreux ! c’est ainsi !
Plus je vais, plus j’aspire
À me voir loin d’ici.
Allons-nous en découdre ! Mon oncle, vous serez fier de moi.
Écoute-moi…
Les Mousse-à-Mort, je les hache menu, menu, menu comme chair à saucisse.
Mais c’est à s’arracher les cheveux !
Une idée !
Allons, bien !
Nous les laissons monter à l’assaut, nous creusons un grand trou, nous y mettons cinq cent livres de bonne poudre…
Mais, sapristi ! tu l’as déjà eue cette idée-là !
Et nous nous ensevelissons sous les décombres.
Mais ça n’a pas de nom ! mais on n’a jamais vu ça. Soyons féroces, je le veux bien, mais ça dépasse les bornes ! Ramasse-ta-Tête, va t’en, je paye ta place dans la rotonde !
Auriez-vous peur ?…
Il est beau de savoir avoir peur quand on n’est pas le plus fort ! Et puis d’ailleurs, nous n’avons plus d’armes… il ne me restait qu’un sabre et je l’ai avalé ce matin !
Et chictaillade, mon épée, croyez-vous que ce soit un sucre d’orge à l’absinthe ? Je ne m’en irai que lorsqu’il n’y aura plus une seule pierre debout. Voyons d’abord quels sont nos moyens de défense ? Combien sommes-nous ?
Trois.
Deux.
Trois.
Nous ne sommes que deux, et là-bas ils sont six et demi en comptant Mousse-à-Mort. Tiens, regarde ! il dispose ses six hommes d’armes en bataillon carré !
Seigneur, encore une idée.
Encore ! Qu’est-ce que tu fais là ?
Je place des sentinelles.
Perdus ! nous sommes perdus ! (Boutefeu traîne sur l’avant-scène une crécelle à roue.)