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Ce sont raisonnements qui font bien dans un livre ;
Mais l’homme est toujours l’homme, et la gloire l’enivre,
Et de son sot orgueil telle est l’intensité
Qu’il le pousse souvent jusqu’à la cruauté.
La guerre, voyez-vous, est un mal incurable.
— Et pourquoi ? — Parce que… — Vous connaissez la fable
De Bertrand et Raton ? — Oui, les marrons du feu.
— Eh bien, mon colonel, réfléchissons un peu.
N’est-il pas évident que tous, tant que nous sommes,
Nous sommes les Ratons, et que ces quelques hommes
Que l’on nomme empereurs, ministres, généraux,
Sont… — Mon ami, la guerre enfante des héros,
Grandit les sentiments, dévoile les courages,
Fait des hommes enfin ! — Mais en perd davantage.
— Mourir pour son pays est un bienheureux sort.
— Hum ! hum ! Celui qui meurt jouit-il de sa mort ?
— Comment, vous, un Français ! — Mon Dieu, je dois le dire,
Je ne crois pas qu’il soit un homme qui désire
Mourir pour son pays, alors qu’à ses côtés
Éclatent les obus, et qu’il voit culbutés
Criant, saignant, geignant, sept ou huit camarades.