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Le cœur sauter moins fort à chaque battement,
Et la mort dans le corps se glisser lentement,
Croyez-moi, c’est passer par un affreux martyre.
Combien cela dura, je ne saurais le dire ;
Mais je pensai bientôt que pour ce corps transi
Il valait mieux mourir que de souffrir ainsi.
Mais comment ? Eh ! parbleu ! me brûler la cervelle !
Je prends avec effort, dans l’arçon de ma selle,
Un pistolet chargé ; je l’arme vivement ;
Je le mets sur mon front… Soudain, distinctement,
Sur ma droite, j’entends comme une voix humaine.
Est-ce un rêve ? Non, non ! Je les vois, dans la plaine,
À deux cents pas de moi, précédés d’un falot,
Des frères, des sauveurs ! J’appelle… un court sanglot,
Faible comme un soupir, s’échappe de ma bouche ;
Je veux me soulever ; mais la douleur farouche
Me cloue au sol. Pourtant on peut me secourir…
Ils sont là, près de moi : je ne veux pas mourir !
Jusqu’au dernier moment, avec quelle énergie
L’homme presque perdu se raccroche à la vie !
Je les voyais marcher, s’arrêter, se baisser…