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Et pourtant qui nous dit qu’il n’est pas habité
Ce pays inconnu qui s’étend sur nos têtes ?
Qui nous dit qu’il n’est pas, dans toutes ces planètes,
Dans ces astres brillants, des hommes comme nous,
Aussi durs et cruels, aussi sots, aussi fous ?
Ô toi, dont le rayon nuageux me caresse,
Toi dont le long regard contient une promesse,
Toi qui sembles là-haut me comprendre et me voir,
Étoile, clou d’argent qui tiens le voile noir
Que ne peut soulever l’essor de ma pensée,
Ah ! dis-moi si déjà les hommes t’ont blessée,
S’ils ont foulé ton sol de leurs pieds furieux ;
Dis-moi s’ils sont là-haut, chaste étoile des cieux ;
Si la pure auréole où ton orbite nage
Connaît l’odeur du meurtre et le cri du carnage ;
Dis-moi si, quand mes yeux s’élèvent jusqu’à toi,
C’est une terre encor qui brille devant moi.
Oh ! non, non, n’est-ce pas ? Si comme sur la terre
Avait passé sur toi le souffle de la guerre,
Mon regard jusqu’à toi ne serait pas monté
Et ton rayon si pur serait ensanglanté !