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est tout de même le plus précieux de l’intelligence, à cette faculté de nous toucher qu’eurent Delacroix, Millet, Corot, ces colosses de l’histoire du xixe siècle. La charge à fond contre le réalisme et la copie de la nature, si chère aux néo-impressionnistes, aboutirait à des formules où la raison seule interviendrait, au détriment du sentiment humain, de la sensibilité, à un art strictement ornemental et décoratif, à peine différent de celui des Persans et des Chinois. Ce serait la fin du tableau comme l’ont conçu les hommes de notre race. Fritz Thaulow n’avait pas assez de sarcasmes pour certaine fabrique de Corot, sous un divin ciel bleu d’août qui éclaire d’un éternel rayon le cabinet où j’écris ces lignes… Il consiste en un ciel aussi lumineux, aussi transparent qu’un Fra Angelico, il est fait d’on ne sait quelle matière précieuse, de turquoise peut-être. Sous cet azur immaculé, un peu de lumière inanalysable change en un écrin de plusieurs ors les pignons et les toits d’une sorte de caserne banale ; quelques personnages sont assis ou se promènent sur la place provinciale où s’étendent de longues