Page:Jacques Collin de Plancy - Dictionnaire infernal.pdf/655

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
TAB
TAB
― 647 ―

dit M. de Mirville. Il ajoute : « On aura peine à comprendre un jour le degré d’acharnement manifesté par les docteurs en sciences médicales contre toute idée surnaturelle ; on dirait vraiment qu’ils n’ont pas d’autres ennemis, pas d’autres maladies à combattre.

» Vous entendez, par exemple, M. le docteur Leuret s’écrier que : « Tout homme qui s’avise de croire à un esprit doit être immédiatement renfermé à Charenton. » — « Dans nos temps modernes, dit à son tour le docteur Lelut, sous peine d’être pris pour un fou halluciné, on ne saurait plus se prétendre en communication avec aucun agent surnaturel, quel qu’il soit… »

» Le docteur Parchappe est encore moins poli pour les simples qu’il attaque : « Graduellement affaibli de siècle en siècle, le surnaturalisme, dit-il, a été définitivement chassé du domaine de la science, dès la fin du siècle dernier, et c’est à peine aujourd’hui s’il se trouve encore accrédité chez un petit nombre d’individus appartenant aux classes les plus infimes et les plus ignorantes de nos sociétés civilisées…[1] »

 
Table tournante
Table tournante
 

Nous ne répondrons pas impolitesses ; pour grossièretés. Nous ne dirons pas (ce serait ici superflu) qu’il y a, chez les savants surtout, des hommes qui ont des yeux pour ne pas voir et une intelligence pour ne pas comprendre ; nous ne les enfermerons pas à Charenton, comme ils nous y poussent. En renvoyant le lecteur à M. de Mirville, à M. Des Mousseaux, à la Table parlante, nous reviendrons aux coups frappés et aux esprits frappeurs.

Au moyen de ces coups, et à l’aide de la récitation de l’alphabet, les êtres invisibles qui les produisent sont parvenus à faire des signes affirmatifs et négatifs, à compter, à écrire des phrases et des pages entières. Mais c’est loin d’être tout. Non-seulement ils battent des marches, suivent le rhythme des airs qu’on leur indique ou que l’on chante avec eux, et imitent toutes sortes de bruits, tels que celui de la scie-, du rabot, d’une navette, de la pluie, de la mer, du tonnerre ; mais on les a entendus, dans certains cas, jouer des airs sur des violons ou guitares, sonner des cloches, et même exécuter, sans qu’aucun instrument soit présent, de magnifiques morceaux de musique militaire.

D’autres fois, et c’est là le genre de phénomènes qui a le plus de rapport avec ce qui se passe en ce moment, on voit, sans cause connue, ou sur la simple demande des assistants et sans que personne les touche, des meubles ou autres objets de toute nature et de toute dimension se mettre en mouvement, tandis que d’autres, au contraire, prennent une telle adhérence au plancher, que plusieurs hommes ne peuvent les ébranler. D’énormes tables parcourent les appartements avec une rapidité effrayante, bien qu’elles soient chargées de plusieurs centaines de livres ; d’autres s’agitent et s’inclinent de plus de 45 degrés, sans que les menus objets qui les couvrent se renversent ; d’autres sautent sur un pied et exécutent une véritable danse, malgré le poids de plusieurs personnes qu’elles entraînent. Des hommes eux-mêmes sont transportés tout d’un coup d’un bout d’une chambre à un autre, ou bien sont élevés en l’air et y demeurent quelques instants suspendus. Là, des mains sans corps se laissent voir et sentir, ou bien elles apposent, sans qu’on les voie, des signatures appartenant à des personnes décédées, ou d’autres caractères sur des papiers dont nul ne s’est approché. Ici, on aperçoit des formes humaines diaphanes, dont on entend même quelquefois la voix. Dans d’autres endroits, des porcelaines se brisent d’elles-mêmes, des étoffes se déchirent, des vases se renversent, des bougies s’éteignent et se rallument, des appartements s’illuminent et rentrent tout à coup dans l’obscurité, des fenêtres sont brisées à coups de pierres, des femmes sont décoiffées.. Enfin, on n’en finirait pas si l’on voulait énumérer tous les faits étranges, fantastiques et souvent grotesques qui sont très-sérieusement rapportés dans les relations américaines.

Sans doute, parmi tous ces faits, il doit y en avoir un certain nombre d’inexacts, de faux ou même de controuvés ; mais dans une pareille matière la critique est inhabile à faire un choix, et dès l’instant où l’on entre dans le champ du surnaturel, la raison n’a plus le droit de s’arrêter à un point plutôt qu’à un autre. Ce qu’il y a de certain, c’est que beaucoup des faits que nous avons indiqués, et les plus importants, sont établis d’une manière si positive et si authentique qu’il est impossible de les révoquer en doute,

  1. Il est fait mention de coups semblables dans une foule d’histoires de revenants, de maisons hantées, de faux monnayeurs supposés, de Klopf et de Poltergeister, etc.

    On se rappelle aussi cette prière que l’Église répétait dans les exorcismes qui précédaient la bénédiction des édifices : « Mettez en fuite, Seigneur, tous les Esprits malins, tous les fantômes, et tout Esprit qui frappe (Spiritum percutientem). » Quel jour jeté sur la question !