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Hannetons, importunités. Homme vêtu de blanc, bonheur ; vêtu de noir, malheur ; homme assassiné, sûreté.

Insensé. Si quelqu’un songe qu’il est devenu insensé, il recevra des bienfaits de son prince.

Jeu. Gain au jeu, perte d’amis.

Lait. Boire du lait, amitié. Lapins blancs, succès ; lapins noirs, revers ; manger du lapin, bonne santé ; tuer un lapin, tromperie et perte. Lard. Manger du lard, victoire. Limaçon, charges honorables. Linge blanc, mariage ; linge sale, mort. Lune. Voir la lune, retard dans les affaires ; la lune pâle, peines ; la lune obscure, tourments.

Manger à terre, emportements. Médecine. Prendre médecine, misère ; donner médecine à quelqu’un, profit. Meurtre. Voir un meurtre, sûreté. Miroir, trahison. Moustaches. Songer qu’on a de grandes moustaches, augmentation de richesses.

Navets, vaines espérances. Nuées, discorde.

Œufs blancs, bonheur ; œufs cassés, malheur. Oies. Qui voit des oies en songe peut s’attendre à être honoré des princes. Ossements, traverses et peines inévitables.

Palmiers, palmes, succès et honneurs. Paon. L’homme qui voit un paon aura de beaux enfants. Perroquet, indiscrétion, secret révélé.

Quenouille, pauvreté.

Rats, ennemis cachés. Roses, bonheur etplaisirs.

Sauter dans l’eau, persécutions. Scorpions, lézards, chenilles, scolopendres, etc., malheurs et trahisons. Soufflet donné, paix et union entre le mari et la femme. Soufre, présage d’empoisonnement. Spectre. Signe d’une surprise.

 
 

Tempête, outrage et grand péril. Tête blanche, joie ; tête tondue, tromperie ; tête chevelue, dignité ; tête coupée, infirmité ; tête coiffée d’un agneau, heureux présage. Tourterelles, accord des gens mariés, mariage pour les célibataires.

Vendanger, santé et richesses. Violette, succès. Violon. Entendre jouer du violon et des autres instruments de musique, concorde et bonne intelligence entre le mari et la femme, etc., etc.

Telles sont les extravagances que débitent, avec étendue et complaisance, les interprètes des songes ; et l’on sait combien ils trouvent de gens qui les croient ! Le monde fourmille de petits esprits qui, pour avoir entendu dire que les grands hommes étaient au-dessus de la superstition croient se mettre à leur niveau en refusant à l’âme son immortalité et à Dieu son pouvoir, et qui n’en sont pas moins les serviles esclaves des plus absurdes préjugés. On voit tous les jours d’ignorants esprits forts, de petits sophistes populaires, qui ne parlent que d’un ton railleur des saintes Écritures, et qui passent les premières heures du jour à chercher l’explication d’un songe insignifiant, comme ils passent les moments du soir à interroger les cartes sur leurs plus minces projets[1].

Il y a des songes qui ont embarrassé ceux qui veulent expliquer tout. Nous ne pouvons passer sous silence le fameux songe des deux Arcadiens. Il est rapporté par Valère-Maxime et par Cicéron. Deux Arcadiens, voyageant ensemble, arrivèrent à Mégare. L’un se rendit chez un ami qu’il avait en cette ville, l’autre alla loger à l’auberge. Après que le premier fut couché, il vit en songe son compagnon, qui le suppliait de venir le tirer des mains de l’aubergiste, par qui ses jours étaient menacés. Cette vision l’éveille en sursaut ; il s’habille à la hâte, sort et se dirige vers l’auberge où était son ami. Chemin faisant, il réfléchit sur sa démarche, la trouve ridicule, condamne sa légèreté à agir ainsi sur la foi d’un songe ; et après un moment d’incertitude, il retourne sur ses pas et se remet au lit. Mais à peine a-t-il de nouveau fermé l’œil, que son ami se présente de nouveau à son imagination, non tel qu’il l’avait vu d’abord, mais mourant, mais souillé de sang, couvert de blessures, et lui adressant ce discours : « Ami ingrat, puisque tu as négligé de me secourir vivant, ne refuse pas au moins de venger ma mort. J’ai succombé sous les coups du perfide aubergiste ; et pour cacher les traces de son crime, il a enseveli mon corps, coupé en morceaux, dans un tombereau plein de fumier, qu’il conduit à la porte de la ville. » Le songeur, troublé de cette nouvelle vision, plus effrayante que la première, épouvanté par le discours de son ami, se lève derechef, vole à la porte de la ville et y trouve le tombereau désigné, dans lequel il reconnaît les tristes restes de son compagnon de voyage. Il arrête aussitôt l’assassin et le livre à la justice.

Cette aventure, on l’explique. Les deux amis étaient fort liés et naturellement inquiets l’un pour l’autre ; l’auberge pouvait avoir un mauvais renom : dès lors, le premier songe n’a rien d’ex-

  1. Il y a des gens qui ne croient à rien et qui mettent à la loterie sur la signification des songes. Mais qui peut leur envoyer des songes, s’il n’y a pas de Dieu ?… Comment songent-ils quand leur corps est assoupi, s’ils n’ont point d’âme ? Deux savetiers s’entretenaient, sous l’Empire, de matières de religion. L’un prétendait qu’on avait eu raison de rétablir le culte ; l’autre, au contraire, qu’on avait eu tort. — Mais, dit le premier, je vois bien que tu n’es pas foncé dans la politique ; ce n’est pas pour moi qu’on a remis Dieu dans ses fonctions, ce n’est pas pour toi non plus ; c’est pour le peuple. — Ces deux savetiers, avec tout leur esprit, se faisaient tirer les cartes et se racontaient leurs songes.