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arrosés de sang. C’est donc, selon Schelling, dans la politique, que, de nos jours, le démon exerce son empire. Lorsque saint Jean dit : Celui qui commet le péché est du diable, parce que le diable pèche dès le commencement, » on ne doit pas entendre par ces paroles le commencement de son existence, mais de son activité ; car aussi longtemps qu’il resta dans un état latent, comme puissance inactive, il n’était pas encore question de lui. En dehors de cette fonction historique et politique, Satan est encore en rapport avec chaque homme. — Chacun de nous, dit Schelling, naît sous l’influence du principe satanique ; et c’est là le vrai sens du péché originel, qui n’est nié que par une philosophie superficielle… L’avénement du Christ fut le moment de la crise pour Satan. — C’est maintenant, dit saint Jean, que le prince du monde va être chassé dehors. » C’est-à-dire, selon Schelling, il perd son domaine dans la religion pour le regagner dans la politique.

» Schelling ajoute quelques observations sur les anges tant bons que mauvais. Que les anges soient pour lui des puissances, cela va sans dire. « Les mauvais anges, dit-il, sont des puissances négatives ; à chaque royaume et à chaque province de Satan, préside une de ces puissances, dont il est le chef qui les gouverne toutes. Quant à leur naissance, elle est la même que celle de leur chef. Cerne sont pas des êtres créés ; ils doivent, comme lui, leur existence à la volonté de l’homme. La raison de leur existence est cependant posée par la création : ce sont des possibilités opposées à la création réelle. Aussitôt] que la création fut terminée, les possibilités négatives devaient apparaître. Si un état, par exemple, se forme, tous les crimes deviennent possibles. Les bons anges, comme les mauvais, sont des puissances, mais opposées à ceux-ci. » Ici se manifestent, selon Schelling, des relations très-intéressantes et très-remarquables : lorsque les mauvais anges deviennent des réalités, les bons anges deviennent des possibilités ; et la réalité des bons anges réduit les mauvais à de pures possibilités. Les mauvais anges sortirent, par le péché de l’homme, de leur état purement potentiel et devinrent des réalités ; par conséquent les bons anges, les anges positifs, furent renfermés dans la simple potentialité. C’est là le sens de cette expression ; ils restaient dans le ciel, c’est-à-dire dans l’état potentiel. L’homme se sépara, par sa chute, de son bon ange, qui fut mis en dehors de lui et privé de son existence réelle. Les bons anges sont les idées positives, ce qui doit être. L’homme donc, ayant accueilli par sa volonté ce qui ne doit pas être, a chassé le contraire. Toutefois ces idées positives suivirent, comme des envoyés divins, l’homme même dans son plus grand éloignement de Dieu. C’est ainsi qu’on peut dire avec raison que chaque homme se trouve placé entre son bon et son mauvais ange…

» Tout homme et tout peuple a son ange. Aussi longtemps que l’homme ne s’était pas séparé de Dieu, les bons anges n’avaient pas besoin de le suivre. Voilà pourquoi le Christ dit des enfants que leurs anges voient toujours le visage du Père dans le ciel : ce qui veut dire que les enfants sont auprès de Dieu. À l’époque de la crise, vers la fin de la lutte décidée par le Christ, les anges reviennent plus souvent. Ils apparaissent alors plusieurs fois, car les bons anges sont les ministres du Christ. Ils échangent alors la possibilité avec la réalité, tandis que les mauvais anges rentrent de nouveau dans l’état de simple possibilité. Les mauvais anges sont, d’après l’Épître de saint Jude, retenus par des chaînes éternelles dans les profondes ténèbres, jusqu’au grand jour du jugement. »

C’est là de la philosophie allemande (et condamnée) que nous ne donnons qu’à titre de curiosité. On y voit qu’en se perdant parmi les nuages germaniques, Schelling peut altérer les grandes vérités, mais non les nier.

Satyres. Les satyres étaient chez les païens des divinités champêtres qu’on représentait comme de petits hommes velus, avec des cornes et des oreilles de chèvre, la queue, les cuisses et les jambes du même animal.

Pline le naturaliste croit que les satyres étaient une espèce de singes, et il assure que dans une montagne des Indes il se trouve des singes qu’on prendrait de loin pour des hommes : ces sortes de singes ont souvent épouvanté les bergers. Les démonomanes disent que les satyres n’ont jamais été autre chose que des démons qui ont paru sous cette figure sauvage ; les cabalistes n’y voient que des gnomes.

Saint Jérôme rapporte que saint Antoine rencontra dans son désert un satyre qui lui présenta des dattes, et l’assura qu’il était un de ces habitants des bois que les païens avaient honorés sous les noms de satyres et de faunes ; il ajouta qu’il était venu vers lui comme député de toute sa nation, pour le conjurer de prier pour eux le Sauveur, qu’ils savaient bien être venu en ce monde. Les satyres ne seraient ainsi que des sauvages.

Le maréchal de Beaumanoir chassant dans une forêt du Maine, en 1599, ses gens lui amenèrent un homme qu’ils avaient trouvé endormi dans un buisson, et dont la figure était très-singulière : il avait au haut du front deux cornes, faites et placées comme celle d’un bélier ; il était chauve, et avait au bas du menton une barbe rousse par flocons, telle qu’on peint celle des satyres. Il conçut tant de chagrin de se voir promener de foire en foire, qu’il en mourut à Paris, au bout de trois mois. On l’enterra dans le cimetière