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mise à jour. Des paysannes, dont les enfants dépérissaient, s’adressèrent à un sorcier, nommé Pierre-Louis D…, batteur en grange à Pithon (diocèse de Cambrai). Il leur dit que le mal dont elles gémissaient venait de quelques saints mécontents, que la famille avait irrités, et qui faisaient sentir leur colère sur les enfants ; mais qu’il y avait moyen de les apaiser. Ce moyen, il l’employa en se faisant donner des pièces de six liards (monnaie qui n’est plus qu’un souvenir) et les faisant sauter dans de l’eau, qu’il disait bénite pour son opération. Éclairé par cette cérémonie, le sorcier, car on lui donnait ce nom, révéla les noms des saints dont les bonnes femmes devaient désarmer la vengeance. Nous citons ses expressions. Après quoi, il se fit payer sa consultation. Mais comme les enfants n’éprouvèrent aucun soulagement, sur la rumeur publique, D… fut appelé en justice et condamné à un an de prison.

Sakhar, génie infernal qui, suivant le Talmud, s’empara du trône de Salomon. Après avoir pris Sidon et tué le roi de cette ville, Salomon emmena sa fille Téréda ; comme elle ne cessait de déplorer la mort de son père, il ordonna au diable de lui en faire l’image pour la consoler. Mais cette statue, placée dans la chambre de la princesse, devint l’objet de son culte et de celui de ses femmes. Salomon, informé de cette idolâtrie par son vizir Asaf, brisa la statue, châtia sa femme et se retira dans le désert, où il s’humilia devant Dieu. Ses larmes et son repentir ne le sauvèrent pas de la peine que méritait sa faute. Ce prince était dans l’usage de remettre, avant d’entrer dans le bain, son anneau, dont dépendait sa couronne, à une de ses femmes nommée Amina. Un jour, Sakhar vint à elle sous les traits du roi, et, recevant l’anneau de ses mains, prit, en vertu de ce talisman, possession du trône, et fit dans les lois tous les changements dont sa méchanceté s’avisa. En même temps Salomon, dont la figure n’était plus la même, méconnaissable aux yeux de ses sujets, fut obligé d’errer et de demander l’aumône. Enfin, au bout de quarante jours, espace de temps durant lequel l’idole avait été honorée dans son palais, le diable prit la fuite et jeta l’anneau dans la mer. Un poisson qui venait de l’avaler fut pris et servi devant Salomon, qui retrouva la bague dans ses entrailles. Rentré en possession de son royaume, ce prince saisit Sakhar, lui chargea le cou d’une pierre, et le précipita dans le lac de Tibériade.

Sakhrat. Il y a une montagne que les mahométans croient entourer tout le globe. C’est la montagne de Kaf. Elle a pour fondement la pierre Sakhrat, dont Lokman disait que quiconque en aurait seulement le poids d’un grain ferait des miracles. Cette pierre est faite d’une seule émeraude, et c’est de sa réflexion que le ciel nous paraît azuré. Lorsque Dieu veut exciter un tremblement de terre, il commande à cette pierre de donner le mouvement à quelqu’une de ses racines. La terre se trouve au milieu de cette montagne, comme le doigt au milieu de l’anneau ; sans cet appui, elle serait dans une perpétuelle agitation. Pour y arriver, il faut traverser un très-grand pays ténébreux ; nul homme n’y peut pénétrer s’il n’est conduit par quelque intelligence. C’est là que les dives ou mauvais génies ont été confinés, après avoir été subjugués par les premiers héros de la race des hommes ; c’est là aussi que les péris ou fées font leur demeure ordinaire.

Sakimouni, génie ou dieu, dont les légendes

 
Sakimouni
Sakimouni
 
des Kalmouks racontent qu’il habitait le corps d’un lièvre ; il rencontra un homme qui mourait de faim, il se laissa prendre pour satisfaire l’appétit de ce malheureux. L’esprit de la terre, satisfait de cette belle action, plaça aussitôt l’âme de ce lièvre dans la lune, où les Kalmouks prétendent la découvrir encore[1].

Saladin. Au moyen âge, on croyait très-généralement que les Sarasins, dans leurs guerres, étaient, comme insignes sorciers, assistés par le diable. Walter Scott, dans sa Démonologie, rapporte un exemple que voici ; il est tiré du vieux roman de Richard Cœur de lion.

Le fameux Saladin, y est-il dit, avait envoyé une ambassade au roi Richard, avec un jeune cheval qu’il lui offrait comme un vaillant destrier. Il défiait en même temps Cœur de lion à un combat singulier, en présence des deux armées, dans le but de décider tout d’un coup leurs prétentions à la Palestine et la question théologique de savoir quel était le vrai Dieu, ou le Dieu des chrétiens, ou celui qu’adoraient les Sarasins. Mais ce semblant de défi chevaleresque cachait une perfidie, dans laquelle l’esprit malin jouait un

  1. Voyages de Pallas.