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chaux d’or dans ce vinaigre très-aigre, les laisser putréfier ; et en superficie du vinaigre, il s’élèvera une terre feuillée de la couleur des perles orientales ; il faut sublimer de nouveau jusqu’à ce que cette terre soit très-pure ; alors vous aurez fait la première opération du grand œuvre.

» Pour le second travail, prenez, au nom de Dieu, une part de cette chaux d’or et deux parts de l’eau spirituelle chargée de son sel ammoniac ; mettez cette noble confection dans un vase de cristal de la forme d’un œuf, scellez le tout du sceau d’Hermès ; entretenez un feu doux et continuel : l’eau ignée dissoudra peu à peu la chaux d’or ; il se formera une liqueur qui est l’eau des sages et leur vrai chaos, contenant les qualités élémentaires, chaud, sec, froid et humide. Laissez putréfier cette composition jusqu’à ce qu’elle devienne noire : cette noirceur, qui est appelée la tête de corbeau et le saturne des sages, fait connaître à l’artiste qu’il est en bon chemin. Mais pour ôter cette noirceur puante, qu’on appelle aussi terre noire, il faut faire bouillir de nouveau, jusqu’à ce que le vase ne présente plus qu’une substance blanche comme la neige. Ce degré de l’œuvre s’appelle le cygne. Il faut enfin fixer par le feu cette liqueur blanche, qui se calcine et se divise en deux parts, l’une blanche pour l’argent, l’autre rouge pour l’or ; alors vous aurez accompli les travaux et vous posséderez la pierre philosophale.

» Dans les diverses opérations, on peut tirer divers produits : d’abord le lion vert, qui est un liquide épais, qu’on nomme aussi l’azot, et qui fait sortir l’or caché dans les matières ignobles ; le lion rouge, qui convertit les métaux en or : c’est une poudre d’un rouge vif ; la tête de corbeau, dite encore la voile noire du navire de Thésée, dépôt noir qui précède le lion vert, et dont l’apparition au bout de quarante jours promet le succès de l’œuvre : il sert à la décomposition et putréfaction des objets dont on veut tirer l’or ; la poudre blanche, qui transmue les métaux blancs en argent fin ; l’élixir au rouge, avec lequel on fait de l’or et on guérit toutes les plaies ; l’élixir au blanc, avec lequel on fait de l’argent et on se procure une vie extrêmement longue : on l’appelle aussi la fille blanche des philosophes. Toutes ces variétés de la pierre philosophale végètent et se multiplient… » Le reste du livre est sur le même ton. Il contient tous les secrets de l’alchimie. Voy. Baume universel, Élixir de vie, Or potable, etc.

Les adeptes prétendent que Dieu enseigna l’alchimie à Adam, qui en apprit le secret à Hénoch, duquel il descendit par degrés à Abraham, à Moïse, à Job, qui multiplia ses biens au septuple par le moyen de la pierre philosophale, à Paracelse, et surtout à Nicolas Flamel. Ils citent avec respect des livres de philosophie hermétique qu’ils attribuent à Marie, sœur de Moïse, à Hermès Trismégiste, à Démocrite, à Aristote, à saint Thomas d’Aquin, etc. La boîte de Pandore, la toison d’or de Jason, le caillou de Sisyphe, la cuisse d’or de Pythagore, ne sont selon eux que le grand œuvre[1]. Ils trouvent tous leurs mystères dans la Genèse, dans l’Apocalypse surtout, dont ils font un poëme à la louange de l’alchimie ; dans l’Odyssée, dans les Métamorphoses d’Ovide. Les dragons qui veillent, les taureaux qui soufflent du feu, sont les emblèmes des travaux hermétiques.

Gobineau de Montluisant, gentilhomme chartrain, a même donné une explication extravagante des figures bizarres qui ornent la façade de Notre-Dame de Paris ; il y voyait une histoire complète de la pierre philosophale. Le Père éternel étendant les bras et tenant un ange dans chacune de ses mains annonce assez, dit-il, la perfection de l’œuvre achevée.

D’autres assurent qu’on ne peut posséder le grand secret que par le secours de la magie ; ils nomment démon barbu le démon qui se charge de l’enseigner ; c’est, disent-ils, un très-vieux démon.

On trouve à l’appui de cette opinion, dans plusieurs livres de conjurations magiques, des formules qui évoquent les démons hermétiques. Cédrénus, qui donnait dans cette croyance, raconte qu’un alchimiste présenta à l’empereur Anastase, comme l’ouvrage de son art, un frein d’or et de pierreries pour son cheval. L’empereur accepta le présent et fit mettre l’alchimiste dans une prison, où il mourut ; après quoi le frein devint noir, et on reconnut que l’or des alchimistes n’était qu’un prestige du diable. Beaucoup d’anecdotes prouvent que ce n’est qu’une friponnerie ordinaire.

Un rose-croix, passant à Sedan, donna à


Henri Ier, prince de Bouillon, le secret de faire

  1. Naudé, Apol. pour les grands personnages, etc.