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stition étrange ; ils vantaient fort une espèce d’œuf inconnu à tout le monde, formé en été par une quantité prodigieuse de serpents entortillés ensemble, qui y contribuaient tous de leur bave et de l’écume qui sortait de leur corps. Aux sifflements des serpents, l’œuf s’élevait en l’air ; il fallait s’en emparer alors, avant qu’il touchât la terre : celui qui l’avait reçu devait fuir ; les serpents couraient tous après lui jusqu’à ce qu’ils fussent arrêtés par une rivière qui coupât leur chemin[1]. Ils faisaient ensuite des prodiges avec cet œuf.

Aujourd’hui on n’est pas exempt de bien des superstitions sur l’œuf. Celui qui en mange tous les matins sans boire meurt, dit-on, au bout de l’an. Il ne, faut pas brider les coques des œufs, suivant une croyance populaire superstitieuse, de peur de brider une seconde fois saint Laurent, qui a été brûlé sur un feu nourri de pareils aliments[2]. Albert le Grand nous apprend, dans ses Secrets, que la coque d’œuf, broyée avec du vin blanc et bue, rompt les pierres tant des reins que de la vessie.

Pour la divination par les blancs d’œufs, voyez Oomancie, Garuda, etc.

Og, roi de Basan. Og, selon les rabbins, était un de ces géants qui ont vécu avant le déluge. Il s’en sauva en montant sur le toit de l’arche où étaient Noé et ses fils. Il était si pesant, qu’on fut obligé de mettre dehors le rhinocéros, qui suivit l’arche à la nage. Noé cependant fournit à Og de quoi se nourrir, non par compassion, mais pour faire voir aux hommes qui viendraient après le déluge quelle avait été la puissance du Dieu qui avait exterminé de pareils monstres. Les géants vivaient longtemps. Og était encore du monde quand les Israélites, sous la conduite de Moïse, campèrent dans le désert. Le roi de Basan leur fit la guerre. Voulant d’un seul coup détruire le camp d’Israël, il enleva une montagne large de six mille pas, avec laquelle il se proposait d’écraser l’armée de Moïse. Mais Dieu permit que des fourmis crevassent la montagne, à l’endroit où elle posait sur la tête du géant, de sorte qu’elle tomba sur son cou en manière de collier. Ensuite ses dents s’étant accrues extraordinairement, s’enfoncèrent dans le roc et l’empêchèrent de s’en débarrasser. Moïse alors le tua, mais non sans peine ; car le roi Og était d’une si énorme stature, que Moïse, qui lui-même était haut de six aunes, prit une hache de la même hauteur ; et encore fallut-il qu’il fît un saut de six aunes pour parvenir à frapper la cheville du pied d’Og.

Ogier le Danois. On croit qu’il vit dans sa tombe, comme Frédéric-Barberousse et d’autres[3].

Ogres. Sauf le nom, ces monstres étaient connus des anciens. Polyphème, dans l’Odyssée, n’est autre chose qu’un ogre ; on trouve des ogres dans les Voyages de Sindbad le marin ; et un autre passage des Mille et une nuits prouve que les ogres ne sont pas étrangers aux Orientaux. Dans le conte du Vizir puni, un jeune prince égaré rencontre une dame qui le conduit à sa masure : elle dit en entrant : — Réjouissez-vous, mes fils, je vous amène un garçon bien fait et fort gras. — Maman, répondent les enfants, où est-il, que nous le mangions ? car nous avons bon appétit. — Le prince reconnaît alors que la femme, qui se disait fille du roi des Indes, est une ogresse, femme de ces démons sauvages qui se retirent dans les lieux abandonnés et se servent de mille ruses pour surprendre et dévorer les passants, comme les sirènes, qui, selon quelques mythologues, étaient certainement des ogresses. C’est à peu près l’idée que nous nous faisons de ces êtres effroyables ; les ogres, dans nos opinions, tenaient des trois natures : humaine, animale et infernale. Ils n’aiment rien tant que la chair fraîche ; et les petits enfants étaient leur plus délicieuse pâture. Le Drac, si redouté dans le Midi, était un ogre qui avait son repaire aux bords du Rhône, où il se nourrissait de chair humaine. Il paraît que cette anthropophagie est ancienne dans nos contrées, car le chapitre lxvii de la loi salique prononce une amende de deux cents écus contre tout sorcier ou stryge qui aura mangé un homme.

Quelques-uns font remonter l’existence des ogres jusqu’à Lycaon, ou du moins à la croyance où l’on était que certains sorciers se changeaient en loups dans les orgies nocturnes, et mangeaient au sabbat la chair des petits enfants qu’ils pouvaient y conduire. On ajoutait que, quand ils en avaient mangé une fois, ils en devenaient extrêmement friands et saisissaient ardemment toutes les occasions de s’en repaître : ce qui est bien le naturel qu’on donne à l’ogre. On voit une multitude d’horreurs de ce genre dans les procès des sorciers ; on appelait ces ogres des loups-garous ; et le loup du petit Chaperon-Rouge n’est pas autre chose. Quant à l’origine du nom des ogres, l’auteur des Lettres sur les contes des fées de Ch. Perrault l’a trouvée sans doute. Ce sont les féroces Huns ou Hongrois du moyen âge, qu’on appelait Hunnigours, Oïgours, et ensuite par corruption Ogres. Les Hongrois, disait-on, buvaient le sang de leurs ennemis ; ils leur coupaient le cœur par morceaux et le dévoraient en manière de remède contre toute maladie. Ils mangeaient de la chair humaine, et les mères hongroises, pour donner à leurs enfants l’habitude de la dou-

    lui donna une pièce d’argent. L’interprète, en le reconduisant, lui dit : — Et pour le jaune n’y a-t-il rien ? Nihilne de vitello ?

  1. Pline, liv. XXIX, ch. iii.
  2. Thiers, Traité des superstitions, etc.
  3. Voyez sa légende dans les Légendes de l’autre monde.