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Mercana, branche de la cabale qui donne la science des choses surnaturelles.

Mercati (Michel). Voy. Ficino.

Mercier, auteur d’un Tableau de Paris, qui a fait quelque bruit, et de Songes philosophiques, où l’on trouve deux ou trois songes qui roulent sur les vampires et les revenants.

Mercredi. Ce jour est celui où les sorciers jouent au sabbat leurs mystères et chantent leurs litanies. Voy. Litanies du sabbat. Les Persans regardent le mercredi comme un jour blanc, c’est-à-dire heureux, parce que la lumière fut créée ce jour-là ; pourtant ils exceptent le dernier mercredi du mois de séphar, qui répond à février ; ils appellent celui-là le mercredi du malheur ; c’est le plus redouté de leurs jours noirs.

Mercure. Il est chargé, dans l’ancienne mythologie, de conduire les âmes des morts à leur destination dernière.

Mères. C’est le nom qu’on donne souvent aux fées en Bretagne ; et comme on croit qu’elles se changent fréquemment en oies, on appelle quelquefois les contes de fées, Contes de ma mère l’oie.

Merle, oiseau commun, dont la vertu est admirable. Si l’on pend les plumes de son aile droite avec un fil rouge au milieu d’une maison où l’on n’aura pas encore habité, personne n’y pourra sommeiller tant qu’elles y seront pendues. Si l’on met son cœur sous la tête d’une personne endormie et qu’on l’interroge, elle dira tout haut ce qu’elle aura fait dans la journée. Si on le jette dans l’eau de puits, avec le sang d’une huppe, et qu’on frotte de ce mélange les tempes de quelqu’un, il tombera malade et en danger de mort. On se sert de ces secrets sous une planète favorable et propre, comme celles de Jupiter et de Vénus, et quand on veut faire du mal, celles de Saturne et de Mars[1]… Le diable s’est quelquefois montré sous la forme de cet oiseau. On sait aussi qu’il y a des merles blancs.

Merlin. Merlin n’est pas né en Angleterre, comme on le dit communément, mais en basse Bretagne, dans l’île de Sein. Il était fils d’un démon et d’une druidesse, fille d’un roi des bas Bretons. Les cabalistes disent que le père de Merlin était un sylphe. Que ce fût un sylphe ou un démon, il éleva son fils dans toutes les sciences et le rendit habile à opérer des prodiges. Ce qui a fait croire à quelques-uns que Merlin était Anglais, c’est qu’il fut porté dans ce pays quelques jours après sa naissance. Voici l’occasion de ce voyage:

Wortigern, roi d’Angleterre, avait résolu de faire bâtir une tour inexpugnable où il pût se mettre en sûreté contre les bandes de pirates qui dévastaient ses États. Lorsqu’on en jeta les fondements, la terre engloutit pendant la nuit tous les travaux de la journée. Ce phénomène se répéta tant de fois que le roi assembla les magiciens pour les consulter. Ceux-ci déclarèrent qu’il fallait affermir les fondements de la tour avec le sang d’un petit enfant qui fût né sans père. Après beaucoup de recherches, dans le pays et hors du pays, on apprit qu’il venait de naître dans l’île de Sein un petit enfant d’une druidesse, qui n’avait point de père connu. C’était Merlin. Il présentait les qualités requises par les magiciens ; on l’enleva et on l’amena devant le roi Wortigern. Merlin n’avait que seize jours. Cependant il n’eut pas plutôt entendu la décision des magiciens qu’il se mit à disputer contre eux avec une sagesse qui consterna tout l’auditoire. Il annonça ensuite que, sous les fondements de la tour que l’on voulait bâtir, il y avait un grand lac, et dans ce lac deux dragons furieux. On creusa; les deux dragons parurent:l’un, qui était rouge, représentait les Anglais ; l’autre, qui était blanc, représentait les Saxons. Ces deux peuples étaient alors en guerre, et les deux dragons étaient leurs génies protecteurs. Ils commencèrent, à la vue du roi et de sa cour, un combat terrible, sur lequel Merlin se mit à prophétiser l’avenir des Anglais. On pense bien qu’après ce qui venait de se passer, il ne fut plus question de tuer le petit enfant. On se disposa à le reconduire dans son pays et on l’invita à visiter quelquefois l’Angleterre. Merlin pria qu’on ne s’occupât point de lui ; il frappa la terre, et il en sortit un grand oiseau sur lequel il se plaça ; il fut en moins d’une heure dans les bras de sa mère, qui l’attendait sans inquiétude, parce qu’elle savait ce qui se passait. Merlin fut donc élevé dans les sciences et dans l’art des prodiges par son père et par les conseils de sa mère, qui était prophétesse ; on croit même qu’elle était fée. Quand il fut devenu grand, il se lia d’amitié avec Ambrosius, autre roi des Anglais. Pour rendre plus solennelle l’entrée de ce prince dans sa capitale, il fit venir d’Irlande en Angleterre plusieurs rochers qui accompagnèrent en dansant le cortège royal, et formèrent en s’arrêtant une espèce de trophée à la gloire du monarque. On voit encore ces rochers à quelques lieues de Londres, et on assure qu’il y a des temps où ils s’agitent par suite du prodige de Merlin ; on dit même que pour ce roi, son ami, il bâtit un palais de fées en moins de temps que Satan ne construisit le Pandémonium des enfers.

Après une foule de choses semblables, Merlin, jouissant de la réputation la plus étendue et de l’admiration universelle, pouvait étonner le monde et s’abandonner aux douceurs de la gloire ; il aima mieux agrandir ses connaissances et sa sagesse. Il se retira dans une forêt de la Bretagne, s’enferma dans une grotte et s’appliqua sans relâche à l’étude des sciences mystérieuses. Son père le visitait tous les sept jours et sa mère plus fréquemment encore; il fit, sous eux, des progrès

  1. Albert le Grand, Admirables secrets, p. 445.