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haine. Parfois, continue Delancre, le diable ne va pas si avant, et se contente, au lieu de la haine, d’apporter seulement de l’oubli, mettant les maris en tel oubli de leurs femmes qu’ils en perdent tout à fait la mémoire, comme s’ils ne s’étaient jamais connus. Un jeune homme d’Etrurie devint si épris d’une sorcière, qu’il abandonna sa femme et ses enfants pour venir demeurer avec elle, et il continua ce triste genre de vie jusqu’à ce que sa femme, avertie du maléfice, l’étant venue trouver, fureta si exactement dans la maison de la sorcière, qu’elle découvrit sous son lit le sortilège, qui était un crapaud enfermé dans un pot, ayant les yeux cousus et bouchés ; elle le prit, et, lui ayant ouvert les yeux, elle le brûla. Aussitôt l’amour et l’affection qu’il avait autrefois pour sa femme et ses enfants revinrent tout à coup dans la mémoire du jeune homme, qui s’en retourna chez lui honteux et repentant et passa dans de bons sentiments le reste de ses jours. — Delancre cite d’autres exemples bizarres des effets de ce charme, comme des époux qui se détestaient de près et qui se chérissaient de loin. Ce sont de ces choses qui se voient aussi de nos jours, sans qu’on pense à y trouver du sortilège.

Le P. Lebrun ne semble pas croire aux noueurs d’aiguillette ; cependant il rapporte le trait de l’abbé Guibert de Nogent, qui raconte[1] que son père et sa mère avaient eu l’aiguillette nouée pendant sept ans, et qu’après cet intervalle pénible une vieille femme rompit le maléfice et leur rendit l’usage du mariage. — Nous le répétons, la peur de ce mal, qui n’a guère pu exister que dans les imaginations faibles, était autrefois trèsrépandue. Personne aujourd’hui ne s’en plaint dans les villes ; mais on noue encore l’aiguillette dans les villages ; bien plus, on se sert encore des procédés que nous rapportons ici, car la superstition n’est pas progressive. El tandis qu’on nous vante à grand bruit l’avancement des lumières, nous vivons à quelques lieues de pauvres paysans qui ont leurs devins, leurs sorciers, leurs présages, qui ne se marient qu’en tremblant, et qui ont la tête obsédée de terreurs infernales.

Lilith. Wierus et plusieurs autres démonomanes font de Lilith le prince ou la princesse des démons succubes. — Les démons soumis à Lilith portent le même nom que leur chef, et, comme les Lamies, cherchent à faire périr les nouveau-nés ; ce qui fait que les juifs, pour les écarter, ont coutume d’écrire aux quatre coins de la chambre d’une femme nouvellement accouchée :« Adam, Ève ; hors d’ici Lilith[2] ! »

Lilly (William), astrologue anglais du dixseptième siècle qui se fit une réputation en publiant l’horoscope de Charles Ier. Il mourut en 1681. Sa Vie, écrite par lui-même, contient des détails si naïfs et en même temps une imposture si palpable qu’il est impossible de distinguer ce qu’il croit vrai de ce qu’il croit faux. C’est lui qui a fourni la partie la plus considérable de l’ouvrage intitulé Folie des astrologues. Les opinions de Lilly et sa prétendue science avaient tant de vogue dans son siècle que Gataker, théologien anglican, se crut obligé d’écrire contre cette déception populaire. Parmi un grand nombre d’écrits ridicules dont le titre indique assez le sujet, nous citerons de Lilly :1o le Jeune Anglais Merlin, Londres, 1664 ; 2o le Messager des étoiles, 1645 ; 3o Recueil de prophéties, 1646.

Limaçons. Les limaçons ont de grandes pro-


priétés pour le corps humain, dit l’auteur des Secrets d’Albert le Grand, et il indique de suite quelques jocrissades. — De nos jours, on a essayé de les douer de sympathies telles qu’ils remplaceraient le télégraphe électrique. Mais on a reconnu dans cette donnée une mystification. Voy. Escargot.

Beaucoup de personnes doutent si les limaçons ont des yeux. On s’est guéri de ce doute par le secours des microscopes ; les points ronds et noirs de leurs cornes sont leurs yeux, et il est certain qu’ils en ont quatre.

Limbes. C’est le mot consacré parmi les théologiens pour signifier le lieu où les âmes des saints patriarches étaient détenues en attendant la venue de Jésus-Christ. On dormait aussi le nom de Limbes aux lieux où vont les âmes des enfants morts sans baptême.

Limyre, fontaine de Lycie qui rendait des oracles par le moyen de ses poissons. Les consultants leur présentaient à manger : si les poissons se jetaient dessus, le présage était favorable ; s’ils le refusaient, surtout s’ils le rejetaient avec leurs queues, c’était un mauvais indice.

Linkup ou Linkop (Marion), sorcière. Voyez Jacques Ier.

Linurgus, pierre fabuleuse qui se trouvait, dit-on, dans le fleuve Achéloûs. Les anciens l’appelaient lapis lineus. On l’enveloppait dans un

  1. De vila sua, lib. I, cap. xi.
  2. Dom Calmet, Dissertation sur les apparitions, t. II, p. 74.