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ble, et ils ne peuvent être que des fourbes et des charlatans l’un et l’autre. »

Telles étaient en substance les raisons qui avaient fait apostasier l’artisan Jean Pérez. Il les exposa, en confessant sincèrement son péché. On entreprit de lui prouver que tout ce qui s’était passé ne prouvait rien contre l’existence des démons, mais faisait voir seulement que le diable avait manqué de se rendre à l’appel, Dieu le lui défendant quelquefois, pour récompenser le coupable de quelques bonnes œuvres qu’il a pu faire avant de tomber dans l’apostasie. Il se soumit, reçut l’absolution et fut condamné à une année de prison, à se confesser et à communier aux fêtes de Noël, de Pâques et de la Pentecôte, pendant le reste de ses jours, sous la conduite d’un prêtre qui lui serait donné pour directeur spirituel ; à réciter une partie du rosaire et à faire tous les jours des actes de foi, d’espérance, de charité, de contrition, etc. Tel fut son châtiment.

Voici maintenant l’histoire d’un autre épouvantable auto-da-fé, extraite du Voyage fait en Espagne pendant les années 1786 et 1787, par Joseph Fownsend, recteur de Pewsey : « Un

 
 
mendiant, nommé Ignazio Rodriguez, fut mis en jugement au tribunal de l’inquisition pour avoir distribué des philtres amoureux, dont les ingrédients étaient tels que l’honnêteté ne permet pas de les désigner. En administrant le ridicule remède (il paraît que le prédicant anglais n’est pas sévère), il prononçait quelques paroles de nécromancie. Il fut bien constaté que la poudre avait été administrée à des personnes de tout rang. Rodriguez fut condamné à être conduit dans les rues de Madrid, monté sur un âne, et à être fouetté. On lui imposa de plus quelques pratiques de religion et l’exil de la capitale pour cinq ans. La lecture de la sentence fut souvent interrompue par de grands éclats de rire, auxquels se joignait le mendiant lui-même. Le coupable fut, en effet, promené par les rues, mais non fouetté ; et pendant la route, on lui offrait du vin et des biscuits pour se rafraîchir… »

Nous pourrions rassembler beaucoup de traits pareils, qui peindraient l’inquisition tout autrement que ne la montrent des livres infiniment trop menteurs. Bornons-nous à citer encore le témoignage d’un homme qui n’est pas suspect aux ennemis de l’Église catholique :

« Depuis le seizième siècle, dit le protestant Ranke, l’inquisition n’était qu’un tribunal royal muni d’armes spirituelles. » Les inquisiteurs n’étaient en effet que des fonctionnaires royaux, en partie laïques, soumis aux inspections royales, nommés et destitués par le roi, relevant d’un conseil qui siégeait à la cour. Tout le bénéfice des confiscations prononcées par eux revenait au roi ; aucune grandesse, aucun prélat ne pouvait se soustraire à ce tribunal, toujours docile. C’est par lui que Charles-Quint fit juger les évêques partisans des communes ; c’est à lui que Philippe II livra son ex-favori Pérez. Il en étendit la juridiction aux arts, au commerce, aux impôts et à la marine. « Ce tribunal, ajoute Ranke, fait partie de ces dépouilles du pouvoir ecclésiastique, dont le gouvernement s’est enrichi. » Le nonce Visconti écrivait en 1563 que l’inquisition espagnole avait diminué grandement l’autorité du saint-siège. Saint Charles Borromée en empêcha Rétablissement à Milan pendant sa vie ; le clergé de Sicile la combattit, et elle ne put être toute-puissante ni en Italie ni dans les provinces basques. » Voy. Tribunal secret.

Insensibilité. On a exposé souvent que le diable rendait les sorciers insensibles à la question ou torture, et ce fait s’est vu souvent avec certitude, notamment dans les possédés.

Institor (Henri), auteur, avec Sprenger, du Malleus maleficarum ; Lyon, 1484.

Interdit, censure de l’Église qui suspend les ecclésiastiques de leurs fonctions et qui prive le peuple de l’usage des sacrements, du service divin et de la sépulture en terre sainte. L’objet de l’interdit n’était, dans son origine, que de punir ceux qui avaient causé quelque scandale public, et de les ramener au devoir en les obligeant à demander la levée de l’interdit. Ordinairement l’interdit arrêtait les déréglements des monastères, empêchait les hérésies de s’étendre, mettait un frein aux excès des seigneurs tyran-