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fut en vain. Continuant dans cette mauvaise et dam-nable coutume, il advint un jour qu’en passant sur un pont il trébucha et, étant tombé du haut en bas, proféra ces paroles : « Lève-toi par tous les cent diables. » Soudain, voici celui qu’il avait tant de fois appelé qui le vint étrangler et l’emporta.

» L’an mil cinq cent cinquante et un, près Mégalopole, joignant Voilstadt, il advint encore, durant les fêtes de la Pentecôte, ainsi que le peuple s’amusait à boire, qu’une femme, qui était de la campagne, nommait ordinairement le diable parmi ses jurements, lequel, à cette heure, en la présence d’un chacun, l’enleva par la porte de la maison et l’emporta en l’air. Ceux qui étaient présents sortirent incontinent, tout étonnés, pour voir où cette femme était ainsi transportée : laquelle ils virent, hors du village, pendue quelque temps en l’air bien haut, dont elle tomba en bas, et la trouvèrent à peu près morte au milieu d’un champ. Environ ce temps-là il y eut un grand jureur en une ville de Savoie, homme fort vicieux et qui donnait beaucoup de peine aux gens de bien, qui, pour le devoir de leur charge, s’employèrent à le reprendre et l’admonestèrent bien souvent, afin qu’il s’amendât : à quoi il ne voulut oncques entendre. Or, advint que la peste étant dans la ville, il en fut frappé et se retira en un sien jardin avec sa femme et quelques parents. Là, les ministres de l’Église ne cessèrent de l’exhorter à repentance, lui remontrant ses fautes et péchés pour le réduire au bon chemin. Mais tant s’en fallut qu’il fût touché par tant de bonnes et saintes remontrances, qu’au contraire il ne fit que s’endurcir davantage en ses péchés. Avançant donc son malheur, un jour, comme ce méchant reniait Dieu, et se donnait au diable et l’appelait tant qu’il pouvait, voilà le diable qui le ravit soudainement et l’emporta en l’air ; sa femme et sa parente le virent passer par-dessus leurs têtes. Étant ainsi transporté, son bonnet lui tomba du chef et fut trouvé auprès du Rhône. Le magistrat, averti de cela, vint sur le lieu et s’informa du fait, prenant attestation de ces deux femmes de ce qu’elles avaient vu. Voilà des événements terribles, épouvantables, pour donner crainte et frayeur à tels ou semblables jureurs et renieurs de Dieu, desquels le monde n’est que trop rempli aujourd’hui. Refrénez donc, misérables que vous êtes, vos langues infernales ; départez-vous de toutes méchantes paroles et exécrations, et vous accoutumez à louer et glorifier Dieu, tant de bouche que de fait[1]. »

Quand les femmes grecques entendent des imprécations, comme il s’en fait dans les chaudes colères de leur pays, elles se hâtent de mouiller leurs seins avec leur salive, de peur qu’une partie de ces malédictions ne tombent sur elles[2]. Voy. Jurements.

Imprimerie (L’), inventée, comme on sait, au quinzième siècle. Nous ne citons ici cette admirable découverte, instrument si prodigieux pour le bien, si terrible dans le mal, que dans la nécessité de remarquer l’étonnement qu’il fit naître à sa naissance, et l’humilité du parlement de Paris. Ce corps si vanté ne croyait pas les produits de l’imprimerie possibles au génie humain ;

 
Imprimerie
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il en attribuait les œuvres au diable, et il eût fait brûler les premiers imprimeurs comme sorciers, si Louis XI et la Sorbonne, plus lucides, ne les eussent pas protégés.

Incendie. En 1807, un professeur de Brunswick annonça qu’il vendait de la poudre aux incendies, comme un apothicaire vend de la poudre aux vers ; il ne s’agissait, pour sauver un édifice, que de le saupoudrer de quelques pincées de cette poudre ; deux onces suffisaient par pied carré : et comme la livre ne coûtait que sept à huit sous, et qu’un homme n’a que quatorze pieds de superficie, on pouvait, pour dix-sept sous six deniers (vieux style), se rendre incombustible. Quelques gens crédules achetèrent la poudre du docteur. Les gens raisonnables jugèrent qu’il voulait attraper le public, et se moquèrent de lui[3].

Incombustibles. Il y avait jadis en Espagne des hommes d’une trempe supérieure qu’on appelait Saludadores, Santiguadores, Ensalmadores. Ils avaient non-seulement la vertu de guérir toutes les maladies avec leur salive, mais ils maniaient le feu impunément ; ils pouvaient avaler de l’huile bouillante, marcher sur les charbons ardents, se promener à l’aise au milieu des bûchers enflammés. Ils se disaient parents de sainte Catherine et montraient sur leur chair l’empreinte d’une roue, signe manifeste de leur glorieuse origine. — Il existe aujourd’hui en France, en Allemagne et dans presque toute l’Europe, des hommes qui ont les mêmes privilèges, et qui pourtant évitent avec soin l’examen des savants et des docteurs. Léonard Vair conte qu’un de ces hommes incombustibles ayant été sérieusement enfermé dans un four très-chaud, on le trouva calciné quand on rouvrit le four. Il y a quelques années qu’on vit à Paris un Espagnol marcher pieds nus sur des barres de fer

  1. Chassanion, Jugements de Dieu, p. 169.
  2. Mac-Ferlane, Souvenirs du Levant.
  3. M. Salgues, Des erreurs et des préjugés, t. III, p. 213.