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rous, suçaient le sang des enfants ou les enlevaient pour manger leur foie. Mais il cite ces propos comme croyances erronées.

Gématrie. C’est une des divisions de la cabale chez les Juifs. Elle consiste à prendre les lettres d’un mot hébreu pour des chiffres ou nombres arithmétiques, et à expliquer chaque mot par la valeur arithmétique des lettres qui le composent. Selon d’autres, c’est une interprétation qui se fait par la transposition des lettres.

Gemma (Cornélius), savant professeur de Louvain, auteur d’un livre intitulé Des caractèies divins et des choses admirables[1], publié à Anvers, chez Christophe Plantin, architypographe du roi ; 1575, in-12. C’est un tableau des merveilles de la nature dont l’auteur a profondément saisi la marche et le but. Il y a des réflexions admirables, exprimées avec un langage de sentiment qui touche autant qu’il instruit le lecteur.

Génération. Voy. Enfants.

Gengues, devins japonais qui font profession de découvrir les choses cachées et de retrouver les choses perdues. Ils habitent des huttes perchées sur le sommet des montagnes et sont tous extrêmement laids. Il leur est permis de se marier, mais seulement avec de ? femmes de leur caste et de leur secte. Un voyageur prétend que le signe caractéristique de ces devins est une corne qui leur pousse sur la tête. Il ajoute qu’ils sont tous vendus au diable qui leur souffle leurs oracles ; quand leur bail est fini, le diable leur ordonne de l’attendre sur une certaine roche. À midi, ou plus souvent vers le soir, il passe au milieu de l’assemblée ; sa présence cause une vive émotion. Une force irrésistible entraîne alors ces malheureux, qui sont précipités à sa suite et ne reparaissent plus…

Géniane, pierre fabuleuse à laquelle on attribuait la vertu de chagriner les ennemis de ceux qui la portaient. On pouvait de très-loin, en frottant sa pierre, vexer de toute façon les amis dont on avait à se plaindre, et se venger sans se compromettre. Les doctes n’indiquent pas où se trouve cette pierre curieuse.

Génies. La tradition des anges, parvenue altérée chez les païens, en a fait des, génies. Chacun avait son génie. Un magicien d’Égypte avertit Marc-Antoine que son génie était vaincu par celui d’Octave ; et Antoine intimidé se retira vers Cléopâtre[2]. Néron, dans Britannicus, dit en parlant de sa mère :

 Mon génie étonné tremble devant le sien.

Les borborites, hérétiques des premiers siècles de l’Église, enseignaient que Dieu ne peut être l’auteur du mal ; que, pour gouverner le cours du soleil, des étoiles et des planètes, il a créé une multitude innombrable de génies, qui ont été, qui sont et seront toujours bons et bienfaisants ; qu’il créa l’homme indifféremment avec tous les autres animaux, et que l’homme n’avait que des pattes comme les chiens ; que la paix et la concorde régnèrent sur la terre pendant plusieurs siècles, et qu’il ne s’y commettait aucun désordre ; que malheureusement un génie prit l’espèce humaine en affection, lui donna des mains, et que voilà l’origine et l’époque du mal. L’homme alors se procura des forces artificielles, se fabriqua des armes, attaqua les autres animaux, fit des ouvrages surprenants ; et l’adresse de ses mains le rendit orgueilleux ; l’orgueil lui inspira le désir de la propriété et la vanité de posséder certaines choses à l’exclusion des autres ; les querelles et les guerres commencèrent ; la victoire fit des tyrans et des esclaves, des riches et des pauvres. Il est vrai, ajoutent les borborites, que si l’homme n’avait jamais eu que des pattes, il n’aurait pas bâti des villes, ni des palais, ni des vaisseaux ; qu’il n’aurait pas couru les mers ; qu’il n’aurait pas inventé l’écriture, ni composé des livres ; et qu’ainsi les connaissances de son esprit ne se seraient point étendues. Mais aussi il n’aurait éprouvé que les maux physiques et corporels, qui ne sont pas comparables à ceux d’une âme agitée par l’ambition, l’orgueil, l’avarice, par les inquiétudes et les soins qu’on se donne pour élever une famille, et par la crainte de l’opprobre, du déshonneur, de la misère et des châtiments. Aristote observe que l’homme n’est pas supérieur aux animaux parce qu’il a une main, mais qu’il a une main parce qu’il est supérieur aux animaux.

Les Arabes ne croient pas qu’Adam ait été le premier être raisonnable qui ait habité la terre, mais seulement le père de tous les hommes actuellement existants. Ils pensent que la terre était peuplée avant ! a création d’Adam par des êtres d’une espèce supérieure à la nôtre ; que dans la composition de ces êtres, créés de Dieu comme nous, il entrait plus de feu divin et moins de limon. Ces êtres, qui ont habité la terre pendant plusieurs milliers de siècles, sont les génies, qui ensuite furent renvoyés dans une région particulière, mais d’où il n’est pas impossible de les évoquer et de les voir paraître encore quelquefois, par la force des paroles magiques et des talismans. Il y a deux sortes de génies, ajoutent-ils, les péris, ou génies bienfaisants, et les dives, ou génies malfaisants. Gian-ben-gian, du nom de qui ils furent appelés ginnes ou génies, est le plus fameux de leurs rois. Le Ginnistan est un pays de délices et de merveilles, où ils ont été relégués par Taymural, l’un des plus anciens rois de Perse. Ce sont encore là des vestiges altérés de l’ancienne tradition.

  1. De naturœ divinis characterismis, seu raris et admirandis spectaculis, causis, indiciis, proprietatibus rerum in partibus singulis universi Hbri II, auctore Cornelio Gemma, etc.
  2. Plutarque, Vie de Marc-Antoine.