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point paru dans le cours des informations qu’il y ait eu aucune espèce de querelle entre lui et le mort. Je le crois absolument innocent, et comme il n’y a aucune preuve contre lui, ni directe ni indirecte, il doit être renvoyé. Mais par plusieurs circonstances qui m’ont frappé dans le procès, je soupçonne fortement la personne qui a vu le revenant d’être le meurtrier, auquel cas il n’est pas difficile de concevoir qu’il ait pu désigner la place, les blessures, la marnière et le reste sans aucun secours surnaturel ; en conséquence de ces soupçons, je me crois en droit de la faire arrêter jusqu’à ce que l’on fasse de plus amples informations. — Cet homme fut effectivement arrêté ; on fit des perquisitions dans sa maison ; on trouva les preuves de son crime, qu’il avoua lui-même à la fin, et il fut exécuté aux assises suivantes.

Esprits élémentaires. Les cabalistes, qui s’obstinent à ne reconnaître que quatre éléments : l’air, le feu, l’eau et la terre, peuplent ces éléments d’esprits divers. Les salamandres habitent le feu ; les sylphes, l’air ; les gnomes, la terre ; l’eau est le séjour des ondins ou nymphes. Voy. ces mots. Les cabalistes, cherchant les mystères du grand œuvre dans toutes les figures, les trouvent jusque dans les cartes. Suivant ces doctes, les carreaux sont les salamandres ; les cœurs, les sylphes ; les trèfles, les ondins, et les piques, les gnomes.

Esprits familiers. Scaliger, Cecco d’Ascoli, Cardan et plusieurs autres visionnaires ont eu, comme Socrate, des esprits familiers. Bodin dit avoir connu un homme qui était toujours accompagné d’un esprit familier, lequel lui donnait un petit coup sur l’oreille gauche quand il faisait bien et le tirait par l’oreille droite quand il faisait mal. Cet homme était averti de la même façon si ce qu’il voulait manger était bon ou mauvais, s’il se trouvait avec un honnête homme ou avec un coquin, etc. C’était très-avantageux.

Esprits follets. Voy. Feux follets.

Esprits frappeurs. Depuis les précédentes éditions de ce livre, des faits nouveaux sont venus jeter de grandes lumières sur les esprits. Tout le monde sait aujourd’hui qu’on peut les évoquer par divers procédés, et notamment au moyen de tables qu’ils animent. Ces tables dès lors frappent, tournent, s’agitent, marchent, gesticulent et répondent aux questions. C’est aux États-Unis que Dieu a permis d’abord ces manifestations. Elles ont éclaté bientôt partout, comme pour confirmer ces paroles de saint Paul, que nous vivons entourés des puissances de l’air contre lesquelles nous avons à lutter. Les consciencieux ouvrages de M. Eudes de Mirville et de M. des Mousseaux ont parfaitement donné l’histoire de ces nouveaux prodiges. Mais leurs savants écrits ne peuvent pas être mis indifféremment dans toutes les mains. Il y a danger à se jouer avec les démons, et quoique les esprits frappeurs et parleurs se donnent quelquefois pour de bons anges ou pour des âmes d’honnêtes défunts, il ne faut pas s’y tromper. On voit dans saint Thomas que souvent les esprits se font passer pour des âmes dont ils prennent frauduleusement le nom, afin de ne pas effrayer tout d’abord[1]. Aussi l’Église catholique a-t-elle partout défendu ces coupables tentatives qui appellent les démons.

Sur ces faits nouveaux qui déconcertent la science humaine, voici le jugement d’un savant médecin, publié dans la Revue médicale :

« En ma qualité de chrétien, je crois sur la parole de l’Évangile que la foi, cette force de l’homme par excellence, peut faire qu’un mûrier planté sur une rive du fleuve, aille se planter sur l’autre rive. Je crois, sur la parole de saint Paul, qu’il y a des puissances répandues dans l’air, des esprits, des intelligences intermédiaires dont Dieu, le diable et l’homme peuvent provoquer l’intervention, pour produire dans le monde physique des phénomènes dont le physicien aura le droit d’être fort étonné… Quant à la question spéciale du fait réalisé, la quantité, et dans cette quantité la qualité des témoins qui l’attestent, me paraît suffisante pour obliger à l’admettre. Les tables ont donc tourné et parlé. Mais après la question de réalité vient pour moi la question de l’utilité des tables tournantes au beau milieu du dix-neuvième siècle. Selon moi, si un fait comme celui-là n’était pas utile, il aurait beau être possible, il ne se serait pas réalisé. Je crois donc qu’à l’époque où des corps bruts et inertes ont exécuté des mouvements et reproduit des signes d’intelligence, il y avait utilité à ce que cela eût lieu ainsi. Je ne sais pas, ignorant que je suis, tout ce à quoi pouvaient servir ces manifestations ; mais je sais que, lorsqu’elles ont paru, la science selon nos savants n’existait que pour et par l’observation : la science était l’observation même et l’observation sensuelle la plus grossière ! L’intelligence avait failli, dans ces temps de lumière menteuse, devenir inutile et superflue… Je connais des savants de la veille qui n’osent plus prononcer le mot observation depuis qu’ils ont observé des tables tournantes. Le fait était donc utile pour le rétablissement des droits de l’intelligence. En un mot, je crois que les tables ont tourné pour la mystification des savants, qui avaient dégradé la science jusqu’à la réduire à ce qu’ils appelaient l’observation sensuelle… »

Voici un fait très-singulier et en même temps assez remarquable pour donner à réfléchir au lecteur ; il est raconté par M. de Mirville dans son livre sur la Question des esprits : « M. le baron de N***, occupant une position officielle et con-

  1. Pour mieux venir à bout de leurs mauvais desseins, les démons, dit saint Thomas, feignent souvent d’être les âmes des morts : Fréquenter dœmones simulant se esse animas mortuorum. [Summa, p. 4, quest. cxvii, art. 4.)