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Esdras, pour les écrits cabalistiques qu’on lui attribue, voy. Pic de la Mirandole[1].

Eskthirnir, daim monstrueux des mythologies Scandinaves. C’est de ses cornes que s’échappent les fleuves qui circulent sur la terre.

Espagnet (Jean d’), philosophe hermétique, qui a fait deux traités intitulés, l’un Enchiridion de la physique l’établie, l’autre Secret de la philosophie hermétique[2] ; encore lui conteste-t-on ce dernier, que l’on attribue à un inconnu qui se faisait appeler le Chevalier Impérial[3]. Le Secret de la philosophie renferme la pratique du grand œuvre, et l’Enchiridion la théorie physique sur laquelle repose la transmutabilité des métaux. D’Espagnet est encore auteur de la préface qui précède le Traité de l’inconstance des démons de Pierre Delancre. On lit dans cette préface que les sorcières ont coutume de voler les petits enfants pour les consacrer au démon.

Espagnol (Jean l’), docteur en théologie, grand prieur de Saint-Remi de Reims, auteur d’un livre intitulé Histoire notable de la conversion des Anglais, etc., in-8o, Douai, 1614 — La vingtième annotation, qui commence à la page 206 et va jusqu’à la page 306, est un traité sur les apparitions des esprits, où avec des choses passables et médiocres on trouve de bonnes observations[4].

Esprits. Les anciens ont cru que les esprits, qu’ils appelaient démons ou génies, étaient des demi-dieux. Chaque nation, dit Apulée, même chaque famille et chaque homme, a son esprit qui le guide et qui veille sur sa conduite. Tous les peuples avaient du respect pour eux et les Romains les révéraient. Ils n’assiégeaient les villes et n’entreprenaient leurs guerres qu’après que leurs prêtres avaient invoqué le génie du pays. Caligula même fit punir publiquement quelques-uns de ceux qui les avaient maudits[5]. Des philosophes se sont imaginé que les âmes des morts, dès qu’elles étaient séparées de leurs corps, erraient incessamment sur la terre. Ce sentiment leur paraissait d’autant plus vraisemblable, qu’ils se vantaient de voir des spectres auprès des tombeaux, dans les cimetières et dans les lieux où l’on avait tué quelques personnes. « Les esprits, dit Wecker, sont les seigneurs de l’air ; ils peuvent exciter les tempêtes, rompre les nues et les transporter où ils veulent avec de grands tourbillons, enlever l’eau de la mer, en former la grêle et tout ce que bon leur semble. »

Il y a dans l’intérieur de l’Amérique septentrionale des peuplades sauvages qui croient que lorsqu’un homme est enterré sans qu’on place auprès de lui tout ce qui lui a appartenu, son esprit revient sous forme humaine, et se montre sur les arbres les plus près de sa maison armé d’un fusil ; on ajoute qu’il ne peut jouir du repos qu’après que les objets qu’il réclame ont été déposés dans sa tombe. Les Siamois admettent une multitude d’esprits répandus dans l’air ; leur puissance est fort grande et ils sont très-malfaisants. On trace certaines paroles magiques sur des feuilles de papier pour se prémunir contre leur malice. Lorsqu’on prépare une médecine, on garnit le bord du vase d’un grand nombre de ces papiers, de peur que les esprits n’emportent la vertu des remèdes. Les auteurs cabalistiques prétendent que les esprits sont des créatures matérielles, composées de la substance la plus pure des éléments ; que plus cette matière est subtile, plus ils ont de pouvoir et d’action. Ces auteurs en distinguent de deux sortes, de supérieurs et d’inférieurs : les supérieurs sont ou célestes ou aériens ; les inférieurs sont ou aquatiques ou terrestres. Ceux qui ont cru que ces esprits étaient des créatures matérielles les ont assujettis à la mort comme les hommes. Cardan dit que les esprits qui apparurent à son père lui firent connaître qu’ils naissaient et qu’ils mouraient comme nous ; mais que leur vie était plus longue et plus heureuse que la nôtre.

Voici de petits traits d’esprits : Guillaume de Paris écrit que, l’an 1447, il y avait un esprit à Poitiers dans la paroisse de Saint-Paul, lequel rompait vitres et verrières et frappait à coups de pierres sans blesser personne[6]. Caesarius raconte que la fille d’un prévôt de Cologne était si tourmentée d’un esprit malin qu’elle en devint frénétique. Le père fut averti de faire aller sa fille au delà du Rhin et de la changer de lieu, ce qu’il fit. L’esprit fut obligé d’abandonner la fille, mais il battit tant le père qu’il en mourut trois jours après[7]. Cet esprit pouvait bien être un corps. — Au commencement du règne de Charles IV, dit le Bel, l’esprit d’un bourgeois mort depuis quelques années parut sur la place publique d’Arles en Provence ; il rapportait des choses merveilleuses de l’autre monde. Le prieur des jacobins d’Arles, homme de bien, pensa que cet esprit pouvait être un démon déguisé. Il se rendit sur la place ; soudain l’esprit découvrit qui il était et pria qu’on le tirât du purgatoire.

  1. Voyez, dans les Légendes de l’Ancien Testament, la légende d’Esdras.
  2. Enchiridon physicœ restituée. Arcanum philosophiœ hermeticœ.
  3. Ce chevalier, très-révéré des alchimistes, est mentionné souvent dans la Trompette française, petit volume contenant une Prophétie de Bombart sur la naissance de Louis XIV. On a du Chevalier impérial le Miroir des alchimistes, avec instructions aux dames pour dorénavant être belles sans plus user de fards venimeux, 1609. In-16.
  4. Lenglet-Dufresnoy, Catalogue des auteurs qui ont écrit sur les apparitions.
  5. Discours sur les esprits follets, Mercure galant, 1680.
  6. Bodin, Démonomanie des sorciers, liv. III, p. 393.
  7. Bodin, Démonomanie des sorciers, liv. III, p. 393.