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la vallée de Manta, au Pérou, adoraient une émeraude grosse comme un œuf d’autruche et lui offraient d’autres émeraudes.

Emma, fille de Richard II, duc de Normandie. Cette princesse épousa Ethelred, roi d’Angleterre, et en eut deux fils dont l’un régna après la mort de son père : c’est saint Édouard. Ce prince écoutait avec déférence les pieux avis de sa mère ; mais un ambitieux que l’histoire peint sous d’assez laides couleurs, Godwin, comte de Kent, qui était son ministre, et qui voyait avec peine son autorité partagée avec Emma, chercha à perdre cette princesse ; il l’accusa de différents crimes, et il eut l’adresse de faire appuyer son accusation par plusieurs seigneurs, mécontents comme lui du pouvoir d’Emma. Le r, oi dépouilla sa mère de’toutes ses richesses. La princesse eut recours à Ahvin, évêque de Winchester, son parent. Le comte de Kent, voulant écarter un protecteur aussi puissant, et ne reculant pas devant les moyens les « plus infâmes, accusa la princesse d’un commerce coupable avec ce prélat : cette odieuse accusation, appuyée impudemment par les ennemis de la princesse et du saint évêque, fit impression sur l’esprit d’Édouard : il eut la faiblesse de mettre sa mère en jugement ; elle fut condamnée à se purger par l’épreuve du feu. La coutume de ce temps-là en Angleterre voulait que l’accusé passât nu-pieds sur neuf contres de charrue rougis au feu ; et la condamnation portait qu’Emma ferait sur ces coutres neuf pas pour elle-même et cinq pour l’évêque de Winchester. Elle employa en prières la nuit qui précéda cette périlleuse épreuve ; puis raffermie, elle marcha sur les neuf coutres, au milieu de deux évêques, habillée comme une simple bourgeoise et les jambes nues jusqu’aux genoux. Le feu ne lui fit aucun mal ; de sorte que son innocence fut reconnue.

Émodès, l’un des démons qui possédaient Madeleine de la Palud.

Émole, génie que les basilidiens invoquaient dans leurs cérémonies magiques.

Empuse, démon de midi. Aristophane, dans sa comédie des Grenouilles, le représente comme un spectre horrible, qui prend diverses formes, de chien, de femme, de bœuf, de vipère, qui a le regard atroce, un pied d’âne et un pied d’airain, une flamme autour de la tête, et qui ne cherche qu’à faire du mal. Les paysans grecs et russes ont conservé des idées populaires attachées à ce monstre ; ils tremblent au temps des foins et des moissons à la seule pensée de l’Empuse, qui, dit-on, rompt bras et jambes aux faucheurs et aux moissonneurs, s’ils ne se jettent la face en terre lorsqu’ils l’aperçoivent. On dit même en Puissie que l’Empuse et les démons de midi, qui sont soumis à cet horrible fantôme, parcourent quelquefois les rues à midi en habits de veuve et rompent les bras à ceux qui osent les regarder en face. Le moyen de conjurer l’Empuse et de s’en faire obéir chez les anciens, c’était de lui dire les plus grandes injures. Chacun a ses goûts.

Vasco de Gama, cité par Leloyer[1], rapporte qu’il y a dans la ville de Calicut un temple consacré à des démons qui sont des espèces d’Empuses. Personne n’ose entrer dans ces temples, surtout le mercredi, qu’après que le midi est passé ; car si on y entrait à cette heure-là, on mourrait à l’instant même.

Énarque. Il revint de l’autre monde (ou d’une syncope) après avoir passé plusieurs jours en enfer, et raconta à Plutarque lui-même tout ce qui concernait Pluton, Minos, Éaque, les Parques, etc.[2].

Encelade, géant de la mythologie grecque. Il avait cent bras et donnait de grandes inquiétudes à Jupiter. Minerve, qui n’avait que deux bras, mais longs et solides, jeta sur le géant l’île de la Sicile ; et il est retenu sous l’Etna, où il soupire toujours. C’est là cette mythologie que Boileau admirait.

Encens. « En la région Sachalite, qui n’est autre que le royaume de Tartas, l’encens qui s’y recueillait se mettait à grands monceaux en certaine place, non loin du port où les marchands abordaient. Cet encens n’était gardé de personne, parce que le lieu était assez gardé des démons ; et ceux qui abordaient près de la place n’eussent osé, en cachette ni ouvertement, prendre un seul grain d’encens et le mettre en leur navire sans la licence et permission expresse du prince ; autrement leurs navires étaient retenus par la puissance secrète des démons, gardiens de l’encens et ne pouvaient se mouvoir ni partir du port[3]. »

Enchantements. On entend par enchantement l’art d’opérer des prodiges par des paroles chantées ; mais on a beaucoup étendu le sens de ce mot.

On voyait, au rapport de Léon l’Africain, tout au haut des principales tours de la citadelle de Maroc, trois pommes d’or d’un prix inestimable, si bien gardées par enchantement, que les rois de Eez n’y ont jamais pu toucher, quelques efforts qu’ils aient faits. Ces pommes d’or ne sont plus.

Marc Paul conte que les Tartares, ayant pris huit insulaires de Zipangu, avec qui ils étaient en guerre, se disposaient à les décapiter ; mais ils n’en purent venir à bout, parce que ces insulaires portaient au bras droit, entre cuir et chair, une petite pierre enchantée qui les rendait insensibles au tranchant du cimeterre : de sorte qu’il fallut les assommer pour les faire mourir.

  1. Histoire des spectres, liv. III, ch. xiv.
  2. M. Salgues : Des erreurs et des préjugés, t. I, p. 313.
  3. Lelover, Dict. et hist. des spectres, p. 415.