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ils comptaient qu’elle mourrait infailliblement si elle achevait de s’obscurcir ; qu’alors elle tomberait du ciel, qu’ils périraient tous et que la fin du monde arriverait. Ils en avaient une telle frayeur, qu’aussitôt qu’elle commençait à s’éclipser ils faisaient un bruit terrible avec des trompettes, des cornets et des tambours ; ils fouettaient des chiens pour les faire aboyer, dans l’espoir que la lune, qui avait de l’affection pour ces animaux, aurait pitié de leurs cris et s’éveillerait de l’assoupissement que sa maladie lui causait. En même temps, les hommes, les femmes et les enfants la suppliaient, les larmes aux yeux et avec de grands cris, de ne point se laisser mourir, de peur que sa mort ne fut cause de leur perte universelle. Tout ce bruit ne cessait que quand la lune reparaissant ramenait le calme dans les esprits épouvantés.

Les Talapoins prétendent que quand la lune s’éclipse, c’est un dragon qui la dévore ; et que quand elle reparaît, c’est le dragon qui rend son dîner. Dans les vieilles mythologies germaniques, deux loups poursuivaient sans cesse le soleil et la lune ; les éclipses étaient des luttes contre ces monstres. Les Européens, crédules aussi, regardaient autrefois les éclipses comme des signes fâcheux, une éclipse de soleil qui eut lieu le 13 août 1664 fut annoncée comme l’avant-coureur d’un déluge semblable à celui qui était arrivé du temps de Noé ou plutôt d’un déluge de feu qui devait amener la fin du monde. Cette prédiction épouvanta tellement les masses qu’un curé de campagne (c’est un petit conte que nous rapportons) ne pouvant suaire à confesser tous ses paroissiens, qui craignaient de mourir dans cette circonstance, et sachant que tout ce qu’il pourrait leur dire de raisonnable à cet égard ne prévaudrait pas contre les prédictions fâcheuses, fut contraint de leur annoncer au prône qu’ils ne se pressassent pas tant, et que l’éclipsé avait été remise à quinzaine[1].

Dans les Indes on est persuadé, quand le soleil ou la lune s’éclipse, qu’un certain démon aux griffes noires les étend sur l’astre dont il veut se saisir ; pendant ce temps on voit les rivières couvertes de têtes d’Indiens qui croient soulager l’astre menacé en se tenant dans l’eau jusqu’au cou, et jetant sans relâche avec leurs mains de l’eau au nez du soleil ou de la lune. Les Lapons sont convaincus aussi que les éclipses de lune sont l’ouvrage des démons. Les Chinois prétendaient, avant l’arrivée des missionnaires jésuites, qui les éclairèrent, que les éclipses étaient occasionnées par un mauvais génie, lequel cachait le soleil de sa main droite et la lune de sa main gauche. Cependant cette opinion n’était pas générale, puisque quelques-uns d’entre eux disaient qu’il y avait au milieu du soleil un grand trou, et que, quand la lune se rencontrait vis-à-vis, elle devait naturellement être privée de lumière. Dieu, disent les Persans, tient le soleil enfermé dans un tuyau qui s’ouvre et se ferme au bout par un volet. Ce bel œil du monde éclaire l’univers et l’échauffé par ce trou ; et quand Dieu veut punir les hommes par la privation de la lumière, il envoie l’ange Gabriel fermer le volet, ce qui produit les éclipses. Mais Dieu est si bon qu’il n’est jamais fâché longtemps.

Les Mandingues, nègres mahométans de l’intérieur de l’Afrique, attribuent les éclipses de lune à un chat gigantesque qui met sa patte entre la lune et la terre ; et pendant tout le temps que dure l’éclipsé, ils ne cessent de chanter et de danser en l’honneur de Mahomet. Les Mexicains effrayés jeûnaient pendant les éclipses. Les femmes se maltraitaient, et les filles se tiraient du sang des bras. Ils s’imaginaient que la lune avait été blessée par le soleil pour quelque querelle de ménage.

On racontait des habitants de l’Arcadie qu’ils étaient tellement ignorants qu’au moment d’une éclipse ils éventrèrent un âne qu’ils accusaient d’avoir mangé la lune, parce que l’image de la lune avait disparu dans l’eau où l’âne buvait à l’instant où l’éclipsé avait eu lieu.

Écregores, pères des géants, suivant un livre apocryphe d’Énoch. Les anges qu’il nomme ainsi s’assemblèrent sur le mont Hémon, du temps du patriarche Jared, et s’engagèrent par des anathèmes à ne se point séparer qu’ils n’eussent enlevé les filles des hommes.

Écriture. Art de juger les hommes par l’écriture, d’après Lavater. Tous les mouvements de notre corps reçoivent leurs modifications du tempérament et du caractère. Le mouvement du sage n’est pas celui de l’idiot, le port et la démarche diffèrent sensiblement du colérique au flegmatique, du sanguin au mélancolique.

De tous les mouvements du corps, il n’en est point d’aussi variés que ceux de la main et des doigts, et de tous les mouvements de la main et

  1. 1 Legall, Calend. véritable, p. 46.