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Denis le Chartreux, écrivain pieux du quinzième siècle, né dans le pays de Liège. Nous ne citerons que son ouvrage Des quatre dernières fins de l’homme, où il traite du purgatoire et de l’enfer. Voy. Enfer.

Denis de Vincennes, médecin de la faculté de Montpellier et grand astrologue. Appelé au service du duc Louis d’Anjou, il fut fort expert en ses jugements particuliers, entre lesquels il en fit un audit duc, qui était gouverneur du petit roi Charles VI, au moyen duquel il trouva le trésor du roi Charles V, qui était seulement à la connaissance d’un nommé Errart de Serreuze, homme vertueux, discret et sage. Il y avait dans ce trésor, que Denis de Vincennes découvrit par son art, dix-huit millions d’or. Aucuns (attendu que ce roi avait toujours eu la guerre) disent que Jean de Meung, auteur du roman de la Rose, lui avait amassé ce trésor par la vertu de la pierre philosophale[1].

Dents. Il y a aussi quelques histoires merveilleuses sur les dents ; et d’abord on a vu des enfants naître avec des dents ; Louis XIV en avait deux lorsqu’il vint au monde. Pyrrhus, roi des Épirotes, avait au lieu de dents un os continu en haut de la mâchoire et un os pareil en bas. Il y avait même en Perse une race d’hommes qui apportaient ces os-là en naissant[2]. La république des Gorgones devait être bien laide, comme dit M. Saignes, s’il est vrai que ces femmes n’avaient pour elles toutes qu’un œil et qu’une dent, qu’elles se prêtaient l’une à l’autre.

En 1691, le bruit courut en Silésie que les dents étant tombées à un enfant de sept ans, il lui en était venu une d’or. On prétendait qu’elle était en partie naturelle et en partie merveilleuse, et qu’elle avait été envoyée du ciel à cet enfant pour consoler les chrétiens affligés par les Turcs, quoiqu’il n’y eût pas grand rapport entre cette dent et les Turcs, et qu’on ne voie pas quelle consolation les chrétiens en pouvaient tirer. Cette nouvelle occupa plusieurs savants ; elle éleva plus d’une dispute entre les grands hommes du temps, jusqu’à ce qu’un orfèvre ayant examiné la dent, il se trouva que c’était une dent ordinaire à laquelle on avait appliqué une feuille d’or avec beaucoup d’adresse : mais on commença par disputer et faire des livres, puis on consulta l’orfévre.

On voit dans les Admirables secrets d’Albert le Grand qu’on calme le mal de dents en demandant l’aumône en l’honneur de saint Laurent. G est une superstition. — Les racines d’asperges sont, dit-on, un très-bon spécifique : séchées et appliquées sur les dents malades, elles les arrachent sans douleur. Nous ne l’avons pas éprouvé.

Dérodon (David), dialecticien du dix-septième siècle. On conte qu’un professeur, pressé par un argumentateur inconnu, lui dit, sur le point de se rendre : « Tu es le diable, ou tu es Dérodon. » Ce savant a laissé un Discours contre l’astrologie judiciaire, in-8o, 1663.

Dersail ou Detsail, sorcier du pays de Labourd, qui portait le bassin au sabbat, vers l’an 1610. Plusieurs sorcières ont avoué l’y avoir vu recevant les offrandes à la messe du sabbat ; elles ont assuré de plus qu’il employait cet argent pour les affaires des sorciers et pour les siennes[3].

Desbarolles (M. Adolphe), auteur d’un livre intitulé les Mystères de la main, chiromancie nouvelle, assez fantastique. Un vol. in-12 de 624 pages.

Desbordes, valet de chambre du duc de Lorraine Charles IV. Ce valet fut accusé, en 1628, d’avoir avancé la mort de la princesse Christine, mère du duc, et causé diverses maladies que les médecins attribuaient à des maléfices. Charles IV avait conçu de violents soupçons contre Desbordes, depuis une partie de chasse où il avait servi un grand dîner au duc, sans autres préparatifs qu’une petite boîte à trois étages, dans laquelle se trouvait un repas exquis. C’était peut-être un autoclave. Dans une autre occasion, il s’était permis de ranimer trois pendus (car il faisait toujours tout par trois) qui, depuis trois jours, étaient attachés à trois gibets ; et il leur avait ordonné de rendre hommage au duc, après quoi il les avait renvoyés à leurs potences. On vérifia encore qu’il avait ordonné aux personnages d’une tapisserie de s’en détacher et de venir danser dans le salon… Charles IV, effrayé de ces prodiges, voulut qu’on informât contre Desbordes. On lui fit son procès et il fut condamné au feu[4] ; mais soyez assuré qu’il y avait à la charge de cet homme autre chose que des tours-de gibecière et des tours de passe-passe.

Descartes (René), l’un des hommes célèbres du dix-septième siècle. Il fut persécuté en Hollande lorsqu’il publia pour la première fois ses opinions. Voët (Voetius), qui jouissait de beaucoup de crédit à Utrecht, l’accusa d’athéisme ; il conçut même le dessein de provoquer sa condamnation, sans lui permettre de se défendre, et, avec la mansuétude protestante, de le faire brûler à Utrecht sur un bûcher très-élevé, dont la flamme serait aperçue de toutes les Provinces-Unies[5]…, pays assez plat pour une telle tentative. — À côté de ces fureurs peu chrétiennes, comparez l’Église romaine, qui s’est contentée de signaler les quelques erreurs de Descartes parce

  1. Torquemada, Hexaméron, p. 29.
  2. Saint-Foix, Essais, t. I.
  3. Delancre, Tableau de Vinconst. des démons, etc., p. 90.
  4. M. Salgues, Des erreurs et des préjugés, et M. Jules Garinet, Histoire de la magie en France, p. 204.
  5. Curiosités de la littérature, trad. de l’anglais par Bertin, t. I, p. 52.