Page:Jacques Collin de Plancy - Dictionnaire infernal.pdf/198

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CRA
CRI
— 190 —

Le peuple est persuadé, dit M. Salgues[1], que le crapaud a la faculté de faire évanouir ceux qu’il regarde fixement, et cette assertion est accréditée par un certain abbé Rousseau, qui a publié, dans le cours du dernier siècle, quelques observations d’histoire naturelle : il prétend que la vue seule du crapaud provoque des spasmes, des convulsions, la mort même. Il rapporte qu’un gros crapaud, qu’il tenait renfermé sous un bocal, l’ayant regardé fixement, il se sentit aussitôt saisi de palpitations, d’angoisses, de mouvements convulsifs, et qu’il serait mort infailliblement si l’on n’était venu à son secours… Élien, Dioscoride, Nicandre, Etius, Gesner, ont encore écrit que l’haleine du crapaud était mortelle, et qu’elle infectait les lieux où il respire. On a cité l’exemple de deux amants qui, ayant pris de la sauge sur laquelle un crapaud s’était promené, moururent aussitôt[2]. Mais ce sont là souvent des contes. Cependant le crapaud est en horreur chez tous les peuples, excepté sur les bords de l’Orénoque, où, pour le consoler de nos mépris, des Indiens lui rendaient les honneurs d’un culte ; ils gardaient soigneusement les crapauds sous des vases, pour en obtenir de la pluie ou du beau temps, selon leurs besoins, et ils étaient tellement persuadés qu’il dépendait de ces animaux de l’accorder, qu’on les fouettait chaque fois que la prière n’était pas exaucée[3].

Crapaudine, pierre qui se trouve dans la tête des crapauds ; les sorcières la recherchent pour leurs maléfices. Plusieurs écrivains assurent que c’est un objet très-rare, et si rare, que quelquesuns nient l’existence de cette pierre. Cependant Thomas Brown ne croit pas le fait impossible, puisque, dit-il, tous les jours on trouve des substances pierreuses dans la tête des morues, des carpes, des gros limaçons sans coquilles. Il en est qui pensent que ces crapaudines sont des concrétions minérales que les crapauds rejettent après les avoir avalées, pour nuire à l’homme[4]. Mais ce ne sont là encore que des contes.

Crapoulet. Voy. Zozo.

Cratéis, déesse des sorciers et des enchanteurs, mère de la fameuse Scylla.

Crédulité. Elle a ses excès, qui pourtant sont moins funestes que ceux de l’incrédulité.

Crescence, cardinal, légat du saint-siége au concile de Trente, qui mourut paisiblement en 1552. Jean de Chassanion, huguenot, n’aimant pas ce prince de l’Église, parce qu’il s’était élevé contre les protestants, a écrit que le diable, en forme de chien noir, était venu le voir à son dernier moment et l’avait étranglé[5], ce qui est un mensonge niais. Voy. Carlostad et Luther.

Crespet (Pierre), religieux célestin, mort en 1594, auteur d’un traité contre la magie intitulé Deux livres de la haine de Satan et des malins esprits contre l’homme, etc. Paris, 1590, in-8o. Cet ouvrage est rare et curieux.

Crétinisme, infirmité qui dispose quelquefois, dit-on, au vampirisme.

Crible. Parler au crible est un ancien proverbe qui signifiait faire danser un tamis par le moyen de paroles mystérieuses. Théocrite nommait les gens qui avaient ce pouvoir crible-sorciers ou sorciers du crible. « Je me suis trouvé, dit Bodin[6], il y a vingt ans, dans une maison à Paris où un jeune homme fit mouvoir un tamis sans y toucher, par la vertu de certaines paroles françaises, et cela devant une société, et la preuve, dit-il, que c’était par le pouvoir de l’esprit malin, c’est qu’en l’absence de ce jeune homme on essaya vainement, d’opérer en prononçant les mêmes paroles. » Voy. Cosquinomancie.

Criériens, fantômes des naufragés, que les habitants de l’île de Sein, en Bretagne, croient entendre demander la sépulture, à travers ce bruit sourd qui précède les orages. Les anciens Bretons disaient:« Fermons les portes, on entend les criériens; le tourbillon les suit. »

Crimes. Voy. Possessions.

Cristalomancie, divination par le moyen du cristal. On tirait des présages des miroirs et des vases de cristal, dans lesquels le démon faisait, dit-on, sa demeure. Le roi Childéric cherchait l’avenir dans les prismes d’un petit globe de cristal.

Les devins actuels prédisent encore par le miroir. L’anecdote suivante fera connaître leur méthode. — Un pauvre laboureur des environs de Sézanne, à qui on avait volé six cents francs, alla consulter le devin ; c’était en 1807. Le devin lui fit donner douze francs, lui mit —trois mouchoirs sur les yeux, un blanc, un noir et un bleu, lui diC de regarder dans un miroir où il faisait venir le diable et tous ceux qu’il voulait évoquer. — Que voyez-vous ? lui demanda-t-il. — Rien, répondit le paysan. Là-dessus le sorcier parla fort et longtemps ; il recommanda au bonhomme de songer à celui qu’il croyait capable de l’avoir volé, de se représenter les choses et les personnes. Le paysan se monta la tête, et, à travers les trois mouchoirs qui lui serraient les yeux, il crut voir passer dans le miroir un homme qui avait un sarrau bleu, un chapeau à grands bords et des sabots. Un moment après il crut le reconnaître, et il s’écria qu’il voyait son voleur. — Eh bien, dit le devin, vous prendrez

  1. Des erreurs et des préjugés, etc., t. I, p. 423.
  2. C’est un conte du Décameron.
  3. Pons, Voyage à la partie orientale de la terre ferme de l’Amérique méridionale, t. I.
  4. Thomas Brown, Essai sur les erreurs populaires, t. I, liv. III, ch. xiii, p. 312.
  5. Des grands et redoutables jugements de Dieu, p. 66.
  6. Démonomanie des sorciers, liv. II, p. 155.