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tête tranchée et tous les membres de son corps dispersés, pour être ensuite brûlés et les cendres jetées au vent ; les deux domestiques, à avoir là* main droite coupée, et après être pendus et étranglés, leurs corps aussi brûlés[1]. — Cet événement eut lieu vers la fin du seizième siècle.

Courtisanes. Les chrétiens sont bien étonnés de voir des courtisanes servir de prêtresses dans les Indes. Ces filles, justement déshonorées chez nous, sont privilégiées là depuis l’aventure de l’une d’elles. Dévendiren, dieu du pays, alla trouver un jour cette courtisane sous la figure d’un homme, et lui promit une haute récompense si elle était fidèle ; pour l’éprouver le dieu fit le mort. La courtisane, le croyant véritablement mort, se résolut à mourir aussi dans les flammes qui allaient consumer le cadavre, malgré les représentations qu’on Lui faisait de ce qu’elle n’était pas mariée. Elle allait se mettre sur le bûcher déjà enflammé, lorsque Dévendiren se réveilla, avoua sa supercherie, prit la courtisane pour sa femme et l’emmena dans son paradis…

Coutellier, démon invoqué dans les litanies du sabbat.

Couvéra, dieu des richesses dans l’Inde, arrière-petit-fils de Brahma. C’est un lépreux difforme ; il a trois jambes. Sa bouche ne possède que huit dents, et une pièce d’or couvre un de ses yeux.

Crabançon (Jacques de). Voy. Images.

Crabes. Ces hideux petits habitants de la mer sont attachés par quelque lien aux démons des eaux, et, suivant le dire des Écossais riverains,


ils dansent au sabbat des sorcières, lorsqu’il se rassemble sur la plage.

Craca, magicienne qui, au rapport de Saxon le Grammairien, changeait les viandes en pierres ou autres objets, aussitôt qu’elle les voyait posées sur une table.

Crachat. Lorsque les sorciers renoncent au diable, ils crachent trois fois à terre. Ils assurent que le diable n’a plus alors aucun pouvoir sur eux. Ils crachent encore lorsqu’ils guérissent des écrouelles et font de leur salive un remède.

Les anciens avaient l’habitude de cracher trois fois dans leur sein pour se préserver de tous charmes et fascinations. Cracher sur soi : mauvais présage. Voy. Chevillement.

Crachat de la lune. Les alchimistes appellent ainsi la matière de la pierre philosophale avant sa préparation. C’est une espèce d’eau congelée, sans odeur et sans saveur, de couleur verte, qui sort de terre pendant la nuit ou après un orage. Sa substance aqueuse est très-volatile et s’évapore à la moindre chaleur, à travers une peau extrêmement mince qui la contient. Elle ne se dissout ni dans le vinaigre, ni dans l’eau, ni dans l’esprit-de-vin ; mais si on la renferme dans un vase bien scellé, elle s’y dissout d’elle-même en une eau puante. Les philosophes hermétiques la recueillent avant le lever du soleil dans du verre ou du bois et en tirent une espèce de poudre blanche semblable à l’amidon, qui produit ensuite ou ne produit pas la pierre philosophale.

Crampe. Les morses ont sur « les babines, comme au-dessous, plusieurs soies creuses. Il n’y a point de matelot qui ne se fasse une bague de ces soies, dans l’opinion qu’elles garantissent de la crampe[2].

Crâne d’enfant. La cour d’assises de la Haute-Marne a jugé, en février 1857, une affaire qui puise sa cause première dans une horrible superstition. « Des cultivateurs de la commune d’Heuillez-le-Grand, dit l’acte d’accusation, vivaient dans une ferme isolée, et devaient à cet isolement même une tranquillité que rien ne semblait vouloir troubler, lorsque le 21 janvier dernier un crime horrible, unique peut-être dans les annales judiciaires, vint les jeter dans le deuil et la désolation. Le mari, Jean-Baptiste Pinot, était parti dès le matin pour le travail, et sa femme l’avait bientôt rejoint après s’être assurée toutefois que son enfant, âgé de onze mois, qui était couché dans son berceau, dormait profondément. Comme la grange où elle allait travailler n’était qu’à quelques pas de la maison d’habitation, elle n’avait pas pensé en sortant à fermer les portes à la clef.

» Le travail dura quelque temps ; la femme Pinot rentra la première pour s’assurer si l’enfant dormait encore. Quel ne fut pas son effroi lorsqu’elle s’aperçut que le berceau était vide. On fit immédiatement de vaines recherches. Ce ne fut que le lendemain, dans l’après-midi, que l’on découvrit, caché sous des gerbes de paille, dans une écurie de la ferme, le corps de l’enfant entièrement nu, affreusement mutilé. La tête en avait été détachée au moyen d’un instrument tranchant, et ne put être retrouvée. De profondes entailles, faites sur l’une des épaules, indiquaient qu’on avait eu la pensée de couper le corps en morceaux pour le faire disparaître. Le crime était constant, mais

  1. Arrêt du parlement de Bretagne, t. II des Dissertations de Lenglet-Dufresnoy et Leloyer, liv. III, ch. iv.
  2. H. Lebrun, Abrégé des voyages au pôle nord, ch. i.