Page:Jacques Collin de Plancy - Dictionnaire infernal.pdf/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CHA — 157 —
CHA

davre, il l’eut alors pour l’archevêque Turpin, qui portait l’anneau : il le suivait partout et ne pouvait le quitter. Le prélat, effrayé de cette nouvelle folie, et craignant que l’anneau ne tombât en des mains qui en pussent abuser, le jeta dans un lac, afin que personne n’en pût faire usage à l’avenir. Dès lors Charlemagne devint amoureux du lac, ne voulut plus s’en éloigner, y bâtit auprès un palais et un monastère, et y fonda La ville d’Aix-la-Chapelle, où il voulut être enseveli. On sent que tout ce récit n’est qu’un conte, mais il est fort répandu. Charlemagne, dans ses Capitulaires, consigna contre les sorciers des mesures qui méritent d’être mentionnées. Nous citerons spécialement ce passage : « Quant aux conjurateurs, aux augures, aux devins, à ceux qui troublent le temps ou commettent d’autres maléfices, l’archiprêtre du diocèse les fera interroger soigneusement et les amènera à avouer le mal qu’ils auront fait. Alors ils resteront en prison jusqu’à ce que, par l’aide de Dieu, ils se montrent disposés à se convertir. » Voy. OldenBerg, Vétin, etc.

Charles le Chauve, deuxième du nom de Charles parmi les rois des Francs. Il eut une vision qui le transporta au purgatoire et en enfer : il y vit beaucoup de personnages qu’il avait connus, entre autres son père, Louis le Débonnaire. De plusieurs il reçut des conseils et des prédictions ; et il écrivit lui-même la relation de ce voyage, relation qui a quelque peu l’air d’une brochure politique[1].

Charles VI, roi de France. Ce prince, chez qui on avait déjà remarqué une raison affaiblie, allant faire la guerre en Bretagne, fut saisi en chemin d’une frayeur qui acheva de lui déranger entièrement le cerveau. Il y vit sortir d’un buisson, dans la forêt du Mans, un inconnu d’une figure hideuse, vêtu d’une robe blanche, ayant la tête et les pieds nus, qui saisit la bride de son


cheval, et lui cria d’une voix rauque : — « Roi, ne chevauche pas plus avant ; retourne, tu es trahi ! » Le monarque, hors de lui-même, tira son épée et ôta la vie aux quatre premières personnes qu’il rencontra, en criant : — « En avant sur les traîtres ! »

Son épée s’étant rompue et ses forces épuisées, on le plaça sur un chariot et on le ramena au Mans.

Le fantôme de la forêt est encore aujourd’hui un problème difficile à résoudre. Était-ce un insensé qui se trouvait là par hasard ? était-ce un émissaire du duc de Bretagne contre lequel Charles marchait ? Tous les raisonnements du temps aboutissaient au merveilleux ou au sortilège. Quoi qu’il en soit, le roi devint tout à fait fou. Un médecin de Laon, Guillaume de Harsely, fut appelé au château de Creil, et, après six mois de soins et de ménagements, la santé du roi se trouva rétablie. — Mais en 1393 son état devint désespéré, à la suite d’une autre imprudence. La reine, à l’occasion du mariage d’une de ses femmes, donnait un bal masqué. Le roi y vint déguisé en sauvage, conduisant avec lui de jeunes seigneurs dans le même costume, attachés par une chaîne de fer. Leur vêtement était

  1. Visio Caroli Calvi de locis pœnarum et felicitate juslorum. Manuscripta bibl. imper., n° 2247, p. 188.

    Voyez ce voyage de Charles le Chauve dans les Légendes de l’autre monde